Les Vagues à l’âme
Le 25 août 2021
Ammonite touche là où on l’attend le moins. Un film à la synergie évidente, aimant associer le naturalisme à une forme de vertige ardent. Une romance silencieuse, à l’agonie, toujours juste dans le sentiment convoqué. Kate Winslet dans son meilleur rôle depuis The Reader.
- Acteurs : Kate Winslet, Saoirse Ronan, Gemma Jones, Alec Secareanu, James McArdle
- Genre : Drame, Romance, LGBTQIA+
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 2h05mn
- Date télé : 12 septembre 2022 20:50
- Chaîne : Ciné+ Emotion
- Titre original : Ammonite
- Date de sortie : 7 avril 2021
- Festival : Festival de Cannes 2020
Résumé : 1840. Mary Anning fut une paléontologue renommée mais vit aujourd’hui modestement avec sa mère sur la côte sud et sauvage de l’Angleterre. Mary glane des ammonites sur la plage et les vend à des touristes fortunés. L’un d’eux, en partance pour un voyage d’affaires, lui demande de prendre en pension son épouse convalescente, Charlotte. C’est le début d’une histoire d’amour passionnée qui défiera toutes les barrières sociales et changera leurs vies à jamais.
Critique : On avait laissé le cinéaste Francis Lee avec un premier long métrage d’une richesse évidente, Seule La terre, réalisé en 2017, qui relatait déjà l’histoire d’une romance impossible entre deux jeunes hommes, sans cesse animés par le refoulement perpétuel des consciences. Le réalisateur posait un regard tendre sur ces êtres de paradoxe en détresse émotionnelle intense, tout en privilégiant l’imagerie symbolique et les éléments naturels de la lande anglaise, comme extension de la solitude de ses personnages. L’on retrouve cette même recherche de mise en scène sensorielle et naturaliste dans Ammonite, un film mené par l’ambition de proposer une autre manière de représenter la passion.
Le nouveau long métrage de Francis Lee, labellisé Cannes 2020, pose sa caméra dans l’Angleterre corsetée et immensément victorienne des années 1840, un cadre historique particulièrement propice aux malaises du cœur, où l’on va assister à la naissance d’un amour perdu, un amour étouffé par les conventions sociales, la différence de classes et de caractère de ces deux figures féminines en perdition, qui tentent de se sauver mutuellement de la torpeur, d’échapper à une vie de souffrances. Il faut cependant préciser qu’il ne s’agit nullement d’un récit biographique de Mary Anning, le personnage principal du film, chercheuse de fossiles éminente que l’Histoire a cru bon d’éclipser, comme la plupart des femmes de pouvoir, le procédé d’écriture employé ici ne consistant qu’à conjuguer la petite et la grande histoire.
Ammonite séduit d’emblée par son écriture dépoussiérée et dépourvue de fioritures narratives, se concentrant presque exclusivement sur la relation de Mary Anning avec son apprentie, la femme d’un riche noble londonien délaissée par son mari, après ce qui semble avoir été un drame conjugal inextricable. D’abord réticente et luttant contre ses propres démons, Mary va peu à peu s’attacher à cette jeune femme sacrifiée par la vie, au regard impénétrable. Et bien que l’histoire dans sa globalité suive un cheminement un brin conventionnel, elle arrive sans mal à déployer toute sa puissance dramaturgique quand le film choisit le symbolisme pur, à l’image de ce fossile millénaire, cette coquille enroulée dont seule la dernière loge était occupée par l’animal préhistorique. Cette écriture épurée et constamment portée par la métaphore des sens arrive à trouver un équilibre parfait entre l’initiation de ses personnages à la transgression des interdits moraux et le cadre dans lequel ils évoluent, la majeure partie du métrage se déroulant sur une plage de sable blanc où des multitudes de vagues de différentes échelles se brisent sur le rivage. Cette plage, miroir psychologique de cette romance tortueuse, sans cesse heurtée par ces vagues qui finiront par disparaitre dans le sable, reflète, avec une infinie agilité de sentiments, l’espace mental dédaléen de protagonistes peinant à sortir de la noyade.
L’implication pérenne des actrices est elle aussi admirable, en commençant par Kate Winslet, qui trouve dans sa collaboration avec Francis Lee une étendue de possibilités de jeu sidérante, arrivant deux heures durant à puiser au plus profond de ses capacités, pour construire un rôle parmi l’un des plus marquants de sa carrière prolifique. Saoirse Ronan n’est pas en reste et manie l’art de la répartie avec un talent certain, ne sombrant jamais dans la redite ou la reproduction de sa filmographie antérieure. Ammonite est l’œuvre d’un auteur en pleine possession de ses moyens, extrêmement jubilatoire et stimulant par moments, qui ne saurait se réduire à une romance présomptueuse à la prémisse opportuniste. Il s’agit bien là d’un miracle de cinéma.
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ceciloule 16 juillet 2021
Ammonite - Francis Lee - critique
C’est vrai que ce film a un côté naturaliste, la romance entre les deux femmes trouvant dans la mer une sorte d’écrin. Ceci dit, je trouve la photographie très sombre alors que les vagues et la lumière du littoral anglais auraient pu sublimer le long-métrage, peut-être un peu à la manière de Portrait de la jeune fille en feu. J’en parle plus longuement ici : https://pamolico.wordpress.com/2021/07/16/ammonite-francis-lee/