Le 31 décembre 2018
Nicholas Ray met au service d’un scénario bancal son talent de cinéaste pour livrer un film de guerre formellement passionnant.
- Réalisateur : Nicholas Ray
- Acteurs : Richard Burton, Curd Jürgens, Raymond Pellegrin, Ruth Norman, Anthony Bushell
- Genre : Drame, Historique, Film de guerre, Noir et blanc
- Nationalité : Américain, Français
- Distributeur : Columbia
- Editeur vidéo : Sidonis Calysta
- Durée : 1h42mn
- Box-office : 2 049 605 entrées France / 394 505 P.P.
- Titre original : Bitter Victory
- Date de sortie : 20 novembre 1957
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Résumé : Pendant la Seconde Guerre mondiale, un commandant reçoit sans la mériter une décoration pour avoir attaqué les quartiers généraux de Rommel, en Afrique. Sa femme entretient une relation avec un de ses subordonnés qui est le vrai auteur de l’attaque.
- © Columbia Pictures. Tous droits réservés.
Notre avis : Amère victoire, un peu oublié dans la filmographie du grand Nicholas Ray, est au moins aussi célèbre pour ses déboires (tournage en Libye, conflits avec le producteur, acteurs imposés, alcoolisme du cinéaste) que pour ses qualités intrinsèques. Il faut dire qu’il souffre de défauts évidents, dus davantage au scénario qu’à la mise en scène : les dialogues balourds, explicitant sans tact ce que l’action suffisait à comprendre. Entendre Richard Burton s’écrier dans le vent de sable qu’il est plein de contradictions tout en sauvant son ennemi (Curd Jürgens) peut susciter quelques ricanements. De même les sentences sur le courage et la lâcheté distillées tout au long du métrage ne brillent-elles pas par leur nuance.
Et pourtant, malgré une interprétation inégale, et ces répliques insistantes, Amère victoire ne manque pas d’intérêt. C’est d’abord son ambition qui frappe : à travers une expédition en Libye, le scénario développe une double rivalité entre Brand et Leith, le mari et l’ancien amant de Jane. Rivalité amoureuse, mais guerrière également : ils se disputent dès que Brand hésite à tuer une sentinelle ; accusé de lâcheté, il passe le temps du retour, long et compliqué, à se débarrasser des témoins de son échec. Là encore, on peut déplorer que ce thème soit à ce point assené, mais le conflit que des circonstances extérieures amplifient garde toute sa force. Savoir ce qu’est un héros, quel sens a la guerre, comment assumer les conséquences de ces actes, toutes ces questions trouvent dans l’expédition militaire un écrin de choix que le désert et sa photogénie magnifient.
Mais ce qui fait le vrai prix du film, c’est sa réalisation impeccablement maîtrisée. L’attaque de la position allemande à Benghazi est un modèle de scène d’action sobre et efficace, comme le passage dans les ruines qui utilise à merveille le décor. Tout aussi fort, le thème du mannequin qui apparaît dès le générique où des soldats s’entraînent sur ces silhouettes grossières. Ce début incongru prend tout son sens quand Leith mourant prédit que Brand sera un mannequin médaillé, et c’est exactement ce qui se passe : Brand est décoré, mais il perd sa femme et ses hommes se détournent de lui ; en un geste symbolique, il épingle la breloque sur un pantin. Ce qui pouvait paraître un artifice scénaristique devient un motif puissant, justifiant au passage le titre du film.
On pourrait insister également sur l’utilisation du cinémascope, dont Fritz Lang pensait qu’il « n’est pas un format fait pour filmer les hommes, mais les serpents ou les enterrements ». Ray prouve, par les scènes de désert, mais aussi en plaçant des personnages dans l’image selon les rapports de force, qu’il peut en être autrement. En ce sens et malgré ses faiblesses, Amère victoire reste une ode, même imparfaite, au cinéma.
- © Columbia Pictures. Tous droits réservés.
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