Alda et Maria - la critique du film

Premier long-métrage de la réalisatrice angolaise Pocas Pascoal, Alda et Maria touche par sa spontanéité tout comme son portrait intimiste et sensible d’une jeunesse forcée de se construire dans l’exil.

L’argument : Lisbonne été 1980. Deux sœurs de seize et dix-sept ans arrivent d’Angola pour fuir la guerre. Livrées à elles-mêmes, Alda et Maria vont devoir apprendre à survivre sans argent, dans une banlieue grise et polluée de cette ville étrangère. Avec la complicité d’autres Angolais, les deux adolescentes s’organisent une existence précaire. Cet exil va leur apprendre à choisir leur destin en devenant des femmes fortes et dignes… © JHR Films

Notre avis : Si les premières séquences du film montrent un Lisbonne idyllique où Alda et Maria évoluent joyeusement, avec un émerveillement et une énergie teintés de naïveté, la réalité de leur situation précaire ne tarde pas à apparaitre à l’écran. Alda et Maria sont deux sœurs, deux jeunes femmes à peine sorties de l’adolescence, forcée à l’exil à cause de la guerre civile qui succéda à l’indépendance de leur pays d’origine, l’Angola. Sans proche pour leur venir en aide, sans argent et rapidement sans toit, les sœurs se retrouvent à errer dans cette ville qui perd progressivement ses attraits. Pocas Pascoal filme alors la périphérie de Lisbonne, ses zones industrielles qui deviennent un lieu de refuge provisoire tout en exprimant le caractère désormais oppressant de la ville grâce à une bande-son extrêmement travaillée.
Alda et Maria est l’histoire d’une relation entre deux personnages qui s’émancipent dans ce contexte des plus contraignants. Les nombreux plans rapprochés nous font entrer dans l’intimité des jeunes femmes et les jeux de regard en disent long sur la relation entre les deux sœurs, sur leur complicité comme sur leurs différences. Alors que le caractère de chacune aurait pu sembler évident dès les premières scènes, la réalisatrice fait évoluer chacun des personnages et dirige les actrices pour parvenir à une performance toute en nuances et profondeur. Alda, interprétée par la solaire Ciomara Morais, révèle ainsi sa détermination tout en montrant une part plus introvertie et réservée d’elle-même, tandis que Maria, interprétée avec douceur par Cheila Lima, va prendre le risque de s’ouvrir aux autres. © JHR Films
La force dramatique du film réside avant tout dans l’interprétation fine des actrices et dans un scénario où les silences sont souvent bien plus explicites que les discours, qui cachent un intérêt hypocrite - comme Alda et Maria le découvrent à leurs dépens auprès du personnage de la couturière, compatriote immigrée et figure apparemment maternelle les prenant momentanément sous son aile. Pocas Pascoal nous propose donc un premier long-métrage qui dépeint intelligemment un passage à l’âge adulte ainsi que les difficultés de l’exil sans cantonner Alda et Maria à un réquisitoire politico-historique. Une découverte touchante et d’une force admirable.