Le 29 avril 2021
La grande romancière néo-zélandaise Fiona Kidman rouvre le procès "Albert Black", du nom de ce jeune homme condamné à la pendaison pour le meurtre d’un homme. Où l’on s’aperçoit des manquements, des mensonges et de l’injustice de la peine capitale.
- Auteur : Fiona Kidman
- Editeur : Sabine Wespieser
- Genre : Roman
- Nationalité : Néo-zélandaise
- Traducteur : Dominique Goy-Blanquet
- Titre original : This Mortal boy
- Date de sortie : 1er avril 2021
- Plus d'informations : Le site officiel
Résumé : Fiona Kidman réécrit un procès avec des éléments d’archives, mais sous une forme romanesque permettant d’embrasser le contexte, de prendre le recul temporel, et de rendre la complexité des faits. Grâce son roman, le procès est en passe d’être révisé en Nouvelle-Zélande : les pouvoirs de la littérature sont grands...
Critique :Albert Black, un Irlandais de vingt ans, est jugé en Nouvelle-Zélande pour le meurtre d’un homme en juillet 1955. L’auteure reconstitue un fait divers, le procès de cet accusé injustement condamné à mort, en réexaminant les éléments, les témoignages et l’émotion qui met la peine capitale sur le devant de la scène. Deux ans plus tôt, Albert a quitté son quartier protestant de Belfast et sa famille modeste pour l’Océanie. Il trouve d’abord un travail à Wellington, mais souffre assez vite du mal du pays ; il gagne alors Auckland en pensant réunir l’argent nécessaire à son retour. C’est là qu’il rencontre Johnny McBride, un Anglais de vingt-quatre ans, un dur dont il ne parvient pas à se débarrasser. Lors d’une fête organisée pour son anniversaire la veille du meurtre, les deux hommes ivres se battent. Toute la question est celle de la préméditation. A la barre, les témoins défilent, les jurés écoutent, mais tous, juge et public compris, ont déjà une opinion tranchée. Le procès intervient dans un contexte de crise sociétale où les valeurs sont mises à mal par la protestation maorie et la sous-culture de la jeunesse perçue comme un délitement des mœurs, dont on accuse aussi les immigrés. Pendant ce temps, en Irlande on se mobilise, et une pétition recueille en vain des milliers de signatures. « Albert Black » est à la fois un roman de procès passionnant, une réflexion sur la jeunesse en décalage avec les valeurs traditionnelles d’avant-guerre, sur la xénophobie, les clivages entre classes sociales et le statut conformiste de la femme. Avec brio, Fiona Kidman dépeint la société par le prisme de cette histoire dont l’accusé est le bouc-émissaire broyé par un engrenage tragique, excitant les passions de tout bord.
352 pages - 23 €
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Kirzy 9 mai 2021
Albert Black - Fiona Kidman - critique du livre
Albert Black n’est pas un de ces romans spectaculaires et musclés qui vous emportent d’emblée dans leur récit, mais un de ceux qui s’immiscent en vous en toute subtilité et y laisse un empreinte forte.
Fiona Kidman s’est inspirée de faits réels : en décembre 1955, un immigré irlandais de tout juste vingt ans, Albert Black, est pendu à la potence d’une prison d’Auckland pour avoir poignardé et tué un autre jeune migrant. La peine de mort venait d’être rétablie en Nouvelle-Zélande il y a quelques années à peine. Et ce fut l’avant-dernière exécution dans le pays ; elle a joué un rôle majeur dans la mise en place de l’abolition de la peine de mort en 1961.
Le contexte est parfaitement cadré, un Auckland de bas quartiers lugubres, entouré de squats sordides et de bars miteux, dans une Nouvelle-Zélande sous le choc du rapport Mazengarb ( 1954 ) qui stigmatise une jeunesse débauchée, sans repères religieux, en proie à toutes sortes de dépravations ( sexualité débridée, alcoolisme, bagarres ). le gouffre générationnel est énorme. le tout sous la gouverne du Premier ministre réactionnaire et nationaliste Sidney Holland qui déverse sa xénophobie sur ces immigrés venus d’Europe. Black devient le représentant de cette jeunesse délinquante et étrangère à punir.
S’il est difficile pour un lecteur peu au fait de cette affaire judiciaire de tracer une frontière entre fiction et faits avérés, le sujet est puissant et on sent à quel point il touche profondément l’auteure. Pourtant, plutôt que d’asséner des vérités, elle choisir de laisser parler les faits pour eux-mêmes, sans jamais empiéter sur le point de vue du lecteur, sans sentimentalisme lourdaud ni sentences condamnatoires. Et c’est ce qui fait la force de ce roman. Elle fait ressortir toute la complexité des faits, entre ombre et éclat, sans prêcher ou chercher la polémique.
Fiona Kidman ne crie pas ses conclusions ou son plaidoyer contre la peine de mort. Elle avance sans artifice. Elle se concentre sur la fragilité de la condition humaine : le déracinement du migrant et sa difficile insertion, le bouillonnement et la faiblesse de la jeunesse qui commet des erreurs parfois stupides, le mécanisme de rejet de l’autre. Les moments les plus beaux sont ceux qui dévoile la vulnérabilité voire la candeur de Black, jeune homme brisé pourtant peu aimable a prime abord entouré de personnages tout aussi peu aimables. Il a notre sympathie mais notre empathie, ce qui renforce la prouesse de l’auteure qui n’a pas choisi la facilité. Et lorsque la sentence irrévocable est prononcée, attendue dès le départ, on découvre les lettres qu’il a écrites en prison ( authentiques si j’ai bien compris ) et on est bouleversés. D’autant plus que l’auteure met très habilement en éclairage sa mère, restée à Belfast, qui fouille dans les poches des vêtements d’enfance de son fils, submergés par les souvenirs ainsi convoqués. Superbe.