Adieu ma belle – la critique du film

Produit par la mythique RKO durant l’âge d’or du film noir américain, Adieu ma belle reste à ce jour l’une des meilleures adaptations des mésaventures de Philip Marlowe.

L’argument : Dans un poste de police de Los Angeles, des inspecteurs questionnent sévèrement le détective Philip Marlowe, accusé de plusieurs meurtres. Celui-ci raconte alors les faits qui l’ont entraîné dans bien des problèmes depuis le jour où il a accepté de rechercher une jeune fille nommée Velma, pour le compte d’un ex-bagnard, "Moose" Malloy.

Notre avis : Détective malchanceux, mal élevé et dur à cuire, l’anti-héros mythique de Raymond Chandler a eu droit a une flopée d’excellentes adaptations sur grand écran dont notamment Le Grand Sommeil d’Howard Hawks et Le Privé de Robert Altman. Philip Marlowe a inspiré des dizaines d’imitateurs et on peut encore retrouver son ADN dans les sombres chroniques de James Ellroy. Ce qui a préservé le charme d’Adieu ma belle (parfois rebaptisé Adieu, ma jolie en DVD selon les éditeurs) jusqu’à aujourd’hui, au-delà du scénario malicieux dont les multiples retournements sont aptes à provoquer des migraines, c’est la réalisation élégante et imaginative du toujours solide Edward Dmytryk. Il aligne ici avec humour tous les clichés attendus du film noir classique et nous offre un spectacle à la familiarité iconique et confortable pour tout amateur de mystères. Tout est là : les bars fumeux peuplés de danseuses exotiques, les salles d’interrogations crasseuses, les femmes fatales, le détective désabusé qui se fait constamment rosser suite à ses piques hilarantes, etc. A cela, il ajoute quelques touches originales toutes droit sorties de l’expressionnisme allemand, via des séquences oniriques où un Marlowe drogué vogue d’une hallucination à une autre. Un séquence mémorable qui aura certainement inspiré Sam Raimi pour son génial Mort sur le gril, qui reprendra malicieusement certains gimmicks visuels du long-métrage qui nous intéresse.

Si Humphrey Bogart lui fera de l’ombre quelques années plus tard, Dick Powell campe un Philip Marlowe profondément amusant, toujours prêt à délivrer un bon mot cynique et à se faire abîmer par une belle galerie de gangsters. Une performance cartoonesque mémorable, même si l’acteur n’a pas forcément le physique de l’emploi. Powell est accompagné d’excellents seconds rôles, dont les deux femmes fatales Claire Trevor et Anne Shirley. Dans le rôle de la montagne idiote « Moose » Malloy, Mike Mazurki intimide tout en parvenant à rester touchant. Quant à Otto Kruger, il campe un méchant savoureusement maléfique.

Publié en 1940, le roman de Chandler Adieu, ma jolie sera adapté de nouveau en 1975 avec Robert Mitchum et Charlotte Rampling. Mais le scénario de cette version de 1944 se montre plus malin et astucieux. Signé John Paxton et généreusement rempli de dialogues parfaitement ciselés, le script sera justement récompensé par un prix Edgar Allan Poe à la sortie du long-métrage. Car si pour des raisons de censure le film est quelque peu édulcoré par rapport au roman de Chandler, il parvient néanmoins à en ressortir la substantifique moelle sans trop de sacrifices. On regrettera juste un happy-end très amusant mais un peu abrupt étant donné le drame qui le précède. Divertissement savamment mené et techniquement réussi, Adieu ma belle est un très bel exemple de film noir qui propose un mystère à tiroirs passionnant à suivre malgré son grand âge. Un puzzle cinématographique que tout amateur de polars se doit de résoudre.

© Warner Home Video / RKO Radio Pictures