Dresde, retour vers le futur ?
Le 3 juin 2011
Classique de la SF, film historique ou satire sociale ? En dépit de maladresses indéniables, Abattoir 5 relève l’ambitieux défi de croiser les genres et les thématiques avec virtuosité. Hypnotique, envoûtant, le film est désormais disponible dans une édition DVD de qualité qui rend justice à son élégance formelle.
- Réalisateur : George Roy Hill
- Acteurs : Michael Sacks, Ron Leibman, Valerie Perrine, Eugene Roche, Richard Schaal
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Opening
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– Durée : 1h39mn
– Titre original : Slaughterhouse-five.
Classique de la SF, film historique ou satire sociale ? En dépit de maladresses indéniables, Abattoir 5 relève l’ambitieux défi de croiser les genres et les thématiques avec virtuosité. Hypnotique, envoûtant, le film est désormais disponible dans une édition DVD de qualité qui rend justice à son élégance formelle.
L’argument : Etats-Unis, années 60. Billy Pilgrim est l’un des vétérans de la Seconde Guerre mondiale, mais il est différent de tous les autres : il a la capacité de voyager dans le temps. Marié, père de famille respectable, il peut à tout moment être renvoyé dans le passé ou dans le futur.
Le passé, c’est Dresde, où Billy fut prisonnier de guerre pendant les terribles bombardements qui ont détruit la ville.
Le futur, c’est une étrange planète sur laquelle, prisonnier d’un dôme de verre, il est le sujet d’expériences pratiquées par des êtres qu’il ne peut pas voir.
Comment expliquer ces allers-retours incessants ? Qu’est-il arrivé à Billy Pilgrim ?
Notre avis : Derrière un titre trompeur, sur lequel plane la menace d’un mauvais film de genre, Abattoir 5 se révèle être une curieuse expérience pour le spectateur. Sorte de parcours initiatique fragmentaire et inversé, il donne à voir l’histoire d’un individu dans sa dimension cyclique, lourde de malentendus et de répétitions. Les voyages dans le temps permettent ainsi à George Roy Hill de mêler les genres (comédie, drame historique, science-fiction) et d’élargir au maximum la portée de son discours critique (de la guerre à la société de consommation) avec une aisance plutôt surprenante si l’on tient compte de l’ambition démesurée du projet.
Le traumatisme de la guerre est latent dans l’intrigue, mais l’habileté du réalisateur est de tisser des parallélismes entre les événements sans jamais sombrer dans la causalité naïve, par exemple lorsque sont évoqués les rapports filiaux. L’engagement du fils de Billy au sein de l’armée est particulièrement révélateur : celui-ci en est fier alors que son père a été traumatisé par le souvenir de Dresde où il a lui-même perdu son "père adoptif", Derby. Le passé n’éclaire alors le présent qu’au prix d’incompréhensions dont le cinéaste dénonce l’ironie, tout en portant sur ses personnages un regard bienveillant qui caractérise l’ensemble du film.
La déconstruction narrative donne ainsi à voir un monde malade - le présent - par refoulement du passé et de ses traumatismes. La séquence où la femme de Billy évoque avec amusement les souvenirs de guerre de son mari est très parlante : l’événement est convoqué à titre de divertissement, uniquement pour son potentiel ludique, mais la douleur réelle qu’il a engendrée est tue. Le refoulement est également manifeste dans la sexualité du personnage, que viennent satisfaire ses projections imaginaires aux côtés de la pin-up. Car l’imagination est bien, dans ce film onirique à plus d’un égard, le seul échappatoire possible au malaise engendré par la violence du passé.
Et c’est du même coup l’expérience d’un imaginaire que nous invite à partager Abattoir 5. L’anti-héros qu’est Billy, face à l’incompréhension des autres et à la déception que lui procure le monde matériel, rêve d’un univers qu’il façonnerait de toutes pièces. C’est pourquoi il est le seul à apprécier Spot, son chien obéissant et fidèle. L’échappée futuriste peut alors se lire comme une projection fantasmatique destinée à réparer les insuffisances du réel, sorte de pendant onirique à ce que seront les errances cauchemardesques de Jacob dans le film d’Adrian Lyne, L’Echelle de Jacob, qui diagnostique lui aussi un traumatisme. Sorte d’objet filmique difficilement identifiable et très référencé (on pense notamment à La Jetée de Chris Marker) Abattoir 5 n’est certes pas sans défaut - incohérences scénaristiques, légère tendance au bavardage - mais c’est une oeuvre touchante et sincère, servie par une mise en scène épatante.
On pourra aussi consulter l’avis de Virgile Dumez, moins favorable au film de George Roy Hill et qui s’intéresse davantage au travail d’adaptation du roman de Kurt Vonnegut Jr : Abattoir 5
La bande-annonce :ICI
Le test DVD ci-dessous
LE DVD
Une édition minimaliste mais de qualité, qui a le mérite d’éclairer la compréhension d’un film à la densité parfois déconcertante
Les suppléments :
Inégaux. Le film-annonce est assez faible et n’éclaire pas vraiment la compréhension du métrage. En revanche le commentaire de Jean-Baptiste Thoret est une mine d’informations et de pistes précieuses pour l’analyse. L’évocation du contexte (culturel et politique) et les rapprochements - curieusement assez nombreux - avec Le Magicien d’Oz de Fleming sont à l’honneur.
L’image :
Elle restitue à merveille les différentes ambiances que donne à voir le film, des seventies acidulées aux images traumatiques de la Seconde Guerre. Les quelques impuretés ne gênent absolument pas le visionnage, et le format 16/9 (compatible 4/3) permet d’apprécier les plans larges et la profondeur épique du film.
Le son :
Travail impeccable qui met en avant, grâce au format stéréo, l’importance et la beauté de la musique (reprise de Bach). La synchronisation des dialogues avec l’image est parfaite. Comme souvent dans les films ayant trait à la Seconde Guerre, le doublage français efface l’incompréhension entre les personnages - alors que le cinéaste joue à plusieurs reprises sur le décalage entre la langue allemande et l’américain, mais la VF se regarde sans déplaisir - même si on lui préfère de très loin la VO.
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