Le 18 août 2020
Un film attachant et très personnel sur la question du transgenre dans une famille dite "parfaite", et surtout l’occasion de découvrir un cinéma danois si rare sur nos écrans, à travers une première œuvre très maîtrisée.
- Réalisateur : Malou Leth Reymann
- Acteurs : Mikkel Boe Folsgaard, Kaya Toft Loholt, Neel Rønholt, Rigmor Ranthe
- Genre : Comédie dramatique, LGBTQIA+
- Nationalité : Danois
- Distributeur : Haut et Court
- Durée : 1h41mn
- Titre original : En Helt Almindelig Familie
- Date de sortie : 19 août 2020
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Emma, une adolescente, grandit au sein d’une famille tout à fait ordinaire jusqu’au jour où son père décide de devenir une femme. Ce bouleversement au sein de cette famille aimante conduit chacun à se questionner et à se réinventer…
Critique : Il y a peut-être meilleur moment que le partage de pizzas pour révéler à vos enfants que vous allez divorcer, parce que votre mari a décidé de mettre en œuvre son désir d’être une femme. Un pareil tsunami traverse quelques familles, et c’est justement le projet de Malou Leth Reymann, qui raconte à travers ce film sa propre enfance. Elle intègre d’ailleurs en permanence dans son récit des reconstitutions de petits films de famille, au moment où les deux gamines étaient encore très jeunes, comme s’il s’agissait de ses propres images familiales. sorties de boîtes anciennes. Le pari de l’autobiographie était risqué en confiant son propre témoignage sur un grand écran, et la réalisatrice suédoise, grâce à un subtil mélange d’intelligence, de sensibilité et de drôlerie, y parvient souvent avec brio. Elle ne verse pas dans le misérabilisme ou le psychodrame. Au contraire, la mise en scène se plaît à alterner les genres dans cette représentation filmique d’une réalité familiale, à la fois ordinaire et extraordinaire.
- Copyright Haut et Court
Emma constitue le personnage central de ce récit. Finalement plus que ce père, ou cette mère, en pleine transformation identitaire. On se dit que la réalisatrice a été cette petite fille, qui doit apprendre à devenir elle-même dans ce qu’on perçoit comme un drame personnel. Elle n’a de cesse de se battre pour accepter le changement de sexe de son père, le deuil de l’homme qui l’a élevée, l’image nouvelle de sa famille qu’elle doit assumer à l’extérieur. Elle ne fait que répéter à qui veut bien l’entendre que Thomas, ou disons Agnete, n’est pas sa mère mais bien son père. La réalisatrice filme avec beaucoup de finesse et de justesse le portrait de cette jeune fille perdue. Elle ne juge pas. Sa grande sœur, Caroline, semble plus forte, plus sereine que sa cadette, mais l’ordre familial paraît irrémédiablement contrarié et précaire. Même la mère qui prend le parti de divorcer n’est pas condamnée par la réalisatrice. Il y a beaucoup d’intelligence dans cette manière de filmer une sorte de réel ordinaire, dans une famille traversée par la tempête.
- Copyright Haut et Court
La réalisatrice engage une réflexion très intéressante sur la question du genre dans nos sociétés modernes. Certes, le récit développe en premier lieu la transformation identitaire de Thomas. En réalité, plus que son chemin de femme, le film parle de son parcours de parent, mis à mal par le regard extérieur, les identifications que les enfants développent sur leurs parents. Surtout, la question du masculin et du féminin est traitée à travers Emma, qui joue du foot depuis sa plus tendre enfance. La réalisatrice pose aussi de vraies questions éducatives, comme le fait de renoncer à toute forme d’autorité, quand on sait que les choix d’adultes impactent les enfants, ou encore le fait qu’un parent ait le droit à sa propre liberté professionnelle, sexuelle et sociale au détriment de ses enfants. Mais Malou Leth Reymann ne signe pas un film rébarbatif et bavard. Elle met beaucoup de poésie et de nuance dans ce portrait familial, plein de délicatesse.
- Copyright Haut et Court
Il est difficile de ne pas clore cet article sans évoquer la scène de thérapie familiale, ou les deux filles découvrent pour la première fois leur père devenu une femme. On pense à Truffaut dans son film Les quatre cent coups, avec cette caméra posée derrière le dos d’Emma qui a le dos voilé, pendant que la famille réunie essaye de s’exprimer sur ses ressentis. La petite finit pas découvrir ses yeux et le point de vue de la caméra reprend une position plus descriptive. Voilà donc un film inspiré, maîtrisé et sensible qui pousse indéniablement à la tolérance et à l’humilité.
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.