Rythmes urbain
Le 1er mars 2006
Un film libanais libre et moderne : il fallait bien ça pour retranscrire l’atmosphère éclatée du Beyrouth d’après-guerre.


- Réalisateur : Joana Hadjithomas
- Acteurs : Ziad Saad, Julia Kassar
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Libanais

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– Durée : 1h28mn
Un film libanais libre et moderne : il fallait bien ça pour retranscrire l’atmosphère éclatée du Beyrouth d’après-guerre.
L’argument : Vingt-quatre heures de la vie de Malek dans le Beyrouth d’aujourd’hui.
Le jeune homme qui vit avec sa mère, Claudia, est victime du syndrome de l’apnée du sommeil, et s’endort sitôt qu’il ne bouge pas. En ce jour, Malek a réussi à convaincre Claudia de se rendre chez un avocat pour déclarer officiellement la mort du père, disparu quinze ans plus tôt. Et si aujourd’hui était "le jour parfait" pour échapper à ses fantômes et retrouver ceux que l’on a perdus ?
Notre avis : Aux dernières nouvelles, Beyrouth avait une odeur de poudre et se débattait Dans les champs de bataille [1] d’une jungle affective. La capitale libanaise y était une ville fantôme, vidée de sa substance par les bombardements incessants. A perfect day, qui a déjà fait parler de lui en faisant le tour des festivals, a l’ambition de rétablir la ville dans tout sa diversité, dans son fourmillement et son agitation perpétuelle. Une cité en voie d’occidentalisation (quelques plans sur des jeunes filles effectuant leur shopping suffit à s’en rendre compte), à l’identité au moins aussi morcelée que celle de ses habitants. Le premier film libanais moderne ? Peut être bien... En tout cas le premier à sortir en France.
Le grand pari du film, c’est de caler sa narration sur le rythme des personnages : tantôt parasitée par l’angoisse de l’attente (la mère qui, quelque quinze ans après, espère toujours que son mari disparu va refaire surface), tantôt speedée (Zeina, jeune fille moderne qui traîne son ennui en discothèque, comme une cousine libanaise de la Shu Qi de Millenium mambo), le plus souvent dans un entre-deux indéfini. Car voilà, le personnage principal est atteint du syndrome d’apnée du sommeil, trouble respiratoire qui a pour effet de le plonger dans le sommeil au moindre moment d’inaction. D’où son impression, et celle du spectateur, d’évoluer dans un rêve éveillé. Une sorte de cocon étanche où le monde extérieur ne filtrerait que par bouffées.
Ainsi, le film parvient à jouer des décalages entre les différents rythmes de vie, à les agréger pour mieux transmettre ce rythme urbain si particulier aux grandes villes en pleine crise de modernité. Un peu comme pour le Mexico City de Bataille dans le ciel, où se côtoyaient plusieurs parcours dans une symphonie hallucinée, même si A perfect day privilégie clairement la lenteur et une certaine sensualité vaguement cotonneuse (merveilleusement véhiculée par l’acteur principal, Ziad Saad). Avec toutefois cette impression, un peu désagréable que les cinéastes sont en retrait de leurs film, qu’ils n’exploitent pas toutes les possibilités esthétiques offertes par le sujet. Il faudra attendre le dernier quart d’heure pour que l’on sorte de notre apnée : enfin, le film prend des risques de mise en scène et parvient à retranscrire l’étrange condition du personnage principal, nous rappelant au passage que les deux cinéastes sont également plasticiens. On retiendra ainsi une belle scène de voiture où les lumières de la ville se confondent en un flou très cinégénique. Une journée parfaite au moins aussi exaltante que celle de Lou Reed [2] où, derrière l’apparente plénitude, filtre un troublant sentiment d’abandon de soi.