Un coeur en skaï mauve
Le 9 mai 2006
Roman devenu culte en vingt ans, 37°2 le matin raconte la conversion d’un amour extrême en folie destructrice. Le style de Djian s’occupe du reste.


- Auteur : Philippe Djian
- Editeur : Editions J’ai Lu
- Genre : Roman & fiction
- Date de sortie : 3 avril 1985

L'a lu
Veut le lire
– Regards croisés : 37°2 le matin, le film de Jean-Jacques Beineix (1986)
Roman devenu culte en vingt ans, 37°2 le matin raconte la conversion d’un amour extrême en folie destructrice. Le style de Djian s’occupe du reste.
Troisième roman de Philippe Djian, 37°2 le matin est devenu un best seller en l’espace de vingt ans, écoulé à plus d’un million d’exemplaires (hors traductions). En 1985, Djian est encore un écrivain confidentiel, malgré les critiques enthousiastes ayant salué ses premiers ouvrages. On se souvient de Patrice Delbourg qui, dans les Nouvelles littéraires, le définissait comme un "Ostrogoth dans [un] champ de bluettes" après la sortie de 50 contre 1. Il faut dire que Djian y met aussi du sien pour entretenir une réputation quelque peu atypique dans le milieu littéraire. Il confessera n’avoir rencontré Bernard Barrault, son premier éditeur, qu’après la publication de ses trois premiers livres. Ecrire, ce n’est pas s’exposer.
Le succès public, Djian va le rencontrer avec 37°2, à la suite de l’adaptation de Beineix. Yves Boisset a déjà réalisé (massacré) Bleu comme l’enfer un an plus tôt, démontrant qu’il est risqué de se lancer dans l’adaptation d’un écrivain à style. Mais Beineix va sublimer cette histoire d’amour avec une telle force et un tel regard que Djian lui-même saluera cette performance. Au départ, Djian a simplement souhaité raconter une histoire d’amour. Mais l’amour, ici, est extrême, renversant, destructeur et ultime. Il est surtout servi par un style neuf et vivant, par un écrivain touchant les émotions du doigt avec une délicatesse absolue.
Le narrateur (sans nom dans le roman, baptisé Zorg par Beineix) vit au jour le jour dans un coin ensoleillé, retape des bungalows tout en écrivant, loin d’être convaincu par son talent. Et puis il rencontre Betty et en tombe raide dingue. Betty, c’est l’autre face de la médaille. A eux deux, ils sont l’eau et le feu, le "mélange idéal pour partir en fumée". Elle ne se laisse pas marcher sur les pieds, lui est du genre à laisser couler. Persuadée qu’il est l’un des plus grands écrivains de sa génération, Betty va tout faire pour lui trouver un éditeur. Peu à peu, le couple va s’enfoncer dans une relation exclusive et bouillante, dont chaque échec supplémentaire va grignoter l’harmonie.
Cette histoire va devenir celle d’une génération. L’amour jusqu’à la folie, jusqu’à la mort, le dévouement aveugle et passionné pour l’autre, celui que l’on ne se lasse pas de regarder ni d’admirer. Depuis vingt ans, Betty a pris les traits de Béatrice Dalle, auréolée d’un regard rêveur et amoureux, le menton entre les mains, sur la couverture du roman. Avant, c’était un cœur à la renverse qui partait en morceaux (notre illustration). Toute la force de 37°2 tient dans ces deux images. "Une vraie histoire d’amour, ça se termine jamais".
Philippe Djian, 37°2 le matin, éd. Bernard Barrault, 1985, 364 pages, disponible actuellement en poche chez J’ai lu, 5,51 €