Rhums arrangés
Le 27 septembre 2011
Hors des murs de la capitale, Claire Denis sonde avec justesse une relation entre un père et sa fille. Une peinture psychologique et sociale juste, qui travaille avec subtilité les émotions du spectateur.
- Réalisateur : Claire Denis
- Acteurs : Grégoire Colin, Ingrid Caven, Alex Descas, Mati Diop, Nicole Dogue
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Allemand
- Date de sortie : 18 février 2009
- Plus d'informations : Le site officiel du film
– Durée : 1h40mn
Hors des murs de la capitale, Claire Denis sonde avec justesse une relation entre un père et sa fille. Une peinture psychologique et sociale juste, qui travaille avec subtilité les émotions du spectateur.
L’argument : Lionel est conducteur de RER. Il élève seul sa fille, Joséphine, depuis qu’elle est toute petite. Aujourd’hui, c’est une jeune femme. Ils vivent côte à côte, un peu à la manière d’un couple, refusant les avances des uns et les soucis des autres. Pour Lionel, seule compte sa fille, et pour Joséphine, son père. Peu à peu, Lionel réalise que le temps a passé, même pour eux. L’heure de se quitter est peut-être venue...
Notre avis : Avec un titre en forme d’énigme qui s’inscrit pendant les premières images en caractères jaunes sur un fond nuit, le film de Claire Denis intrigue dès l’abord. L’énigme ne sera pas complètement résolue. Le rhum renvoie lui-même à des parfums un peu exotiques, traces du passé antillais que l’on devine derrière le personnage principal, Lionel. Seulement, là comme ailleurs, la réalisatrice brouille les pistes. Elle évite à tout prix les affres d’un cinéma bavard pour choisir une voie où les mots sonnent justes, voire continuent à résonner dans les moments de silence, et où les objets relevant du domaine le plus trivial - une bouteille de lait absente, un cuiseur de riz - peuvent se faire le relais des émotions individuelles. 35 rhums est un film “psychologique” par excellence, si l’on entend par là la peinture attentive des comportements et des vécus humains dans les cadres de tous les jours, ici principalement la famille. On se reconnaît indirectement, et toujours de manière feutrée, dans les caractères qui se présentent à l’écran sans s’imposer ni verser dans le type caricatural. Claire Denis reste mobile dans les choix esthétiques qui lui permettent de dérouler son récit et de dresser une “comédie humaine” en miniature : elle n’hésite pas à transporter ses personnages dans un bar non identifié, un soir de pluie et de panne de voiture, ou à les faire rendre visite à une tante en Allemagne. Cependant, l’action se concentre essentiellement autour de l’immeuble où vivent Lionel et Joséphine, dans une banlieue parisienne desservie par une gare de RER, qui échappe à la vision de jungle urbaine véhiculée dans les médias, mais qui ne se métamorphose pas pour autant en paradis. La réalisatrice parvient à trouver le ton juste pour évoquer la réalité sociale de cet univers, ne serait-ce là encore que par signes : l’équipe des conducteurs de RER, par exemple, permet de souligner adroitement, et comme s’il s’agissait d’une seconde lecture possible du scénario, de la violence sociale subie par des travailleurs essentiellement d’origine immigrée, et du cercle de solidarité qu’ils peuvent recréer, sans que le fait d’être ensemble implique nécessairement un communautarisme abusif.
35 rhums demande donc un véritable effort d’attention et de compréhension de la part du spectateur, non en raison de son intrigue (formellement plutôt minimale), mais pour détecter les portes possibles qu’ouvre le métrage, lequel les entrebâillent parfois simplement pour laisser s’échapper une émotion particulière au jeu d’un acteur - honneur doit être rendu ici à Alex Descas et la jeune Mati Diop, qui forment un couple père-fille fusionnel et pourtant d’une sobriété extrême - ou un plan significatif sur un décor ou une ambiance. Au début, et à plusieurs reprises, Claire Denis insère des séquences où, du point de vue de la cabine du conducteur, nous voyons se dérouler le paysage des rails parisiens, à la vitesse tranquille du train. On peut y voir un écho discret au trajet du tramway dans le classique L’aurore de Murnau, mais surtout une invitation pour le cinéma à sortir de ses murs - en l’occurrence parisiens -, et à poser un regard sans préjugés sur la réalité matérielle autant qu’intérieure des personnes qui y vivent.
- © Soudaine Compagnie
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Norman06 29 avril 2009
35 rhums - La critique
Dans la lignée des autres films intimistes de Claire Denis, voici un film très attachant sur les rapports père-fille, et qui excelle à distiller sa petite musique. On entre sans peine dans un univers humain et délicat.