"On ne nous voit pas mais on fait le job"
Le 16 août 2018
Délaissant les histoires vraies, Peter Berg en revient au film d’action de fiction, en poussant jusqu’à son paroxysme le sur-découpage de son montage. L’illisibilité de certaines scènes s’apparenterait presque à du cinéma expérimental !
- Réalisateur : Peter Berg
- Acteurs : John Malkovich, Mark Wahlberg, Iko Uwais, Ronda Rousey, Lauren Cohan
- Genre : Action
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 1h34mn
- Date télé : 11 mars 2020 22:30
- Chaîne : Canal +
- Date de sortie : 29 août 2018
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Résumé : Un officier d’élite du renseignement américain tente d’exfiltrer un policier qui détient des informations compromettantes. Ils vont être traqués par une armée d’assassins tout au long des 22 miles les séparant de l’avion qui leur permettra de quitter le pays.
Notre avis : Un travelling avant à toute berzingue, filmé depuis une caméra à l’avant d’un véhicule, au ras de la route, pendant près de 10 secondes, et sans doute accéléré en post-production... un tel dispositif, bien utile dès qu’il s’agit d’illustrer une pointe de vitesse en voiture, génère habituellement une montée d’adrénaline à couper le souffle. Mais, lorsque ce plan apparaît dans 22 Miles, il fait, au contraire, l’effet d’une bouffée d’air salvatrice. Car, dans le nouveau film de Peter Berg (qui travaille avec le même monteur depuis ses débuts), les plans d’une durée supérieure à cinq secondes sont si peu nombreux qu’ils donnent aux spectateurs l’impression d’avoir subitement affaire à un changement de rythme plus agréable.
Ce découpage, à déconseiller aux épileptiques, se remarque dès la scène d’ouverture. Dans une scène d’action, un tel effet de style est relativement convenu. On a d’ailleurs, depuis quelques années, pris l’habitude des gunfights illisibles. En revanche, dès qu’il s’agit de moments un tant soit peu plus dialogués, ce sur-découpage poussé à l’extrême s’avère aussitôt bien plus dérangeant. Dans les champs-contre-champs brutaux tels que les filme Peter Berg, il est difficile de faire apparaître les personnages sous un autre prisme que celui de leur caractère antipathique. Autant dire que les efforts de la co-scénariste Léa Carpenter pour bâtir une charge émotionnelle en présentant le personnage incarné par Lauren Cohan comme une mère divorcée (peut-on dénoncer ce cliché sexiste si l’auteur est une femme ?) s’effondrent dans cette construction stroboscopique.
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Sous l’effet de cette mise en scène sur-découpée terriblement déshumanisante, Silva, le personnage de Mark Wahlberg, a lui aussi du mal à mettre en avant un autre élément que son TOC (il se met continuellement des coups d’élastique au poignet !), et à paraître aussi crédible lorsqu’il discute amicalement avec ses collègues que lorsqu’il est agressif envers ses autres interlocuteurs. On n’en saura pas davantage sur lui, ce qui est regrettable lorsque l’on sait que ce projet a été financé grâce à l’argument qu’il s’agissait du point de départ d’une nouvelle franchise.
C’est déjà la quatrième fois que Marky Mark travaille avec le réalisateur Peter Berg, mais jusqu’à présent leurs collaborations (Deepwater, Traque à Boston et Du sang et des larmes) étaient basées sur une reconstitution de drames historiques, à travers le point de vue d’un Américain inévitablement héroïque ; toutes ces histoires vraies étaient traitées avec un souci de réalisme brut de décoffrage. Il semblerait que ce 22 Miles –dont la suite est déjà programmée pour 2020– se donne au contraire pour finalité de créer une nouvelle mythologie autour de ce James Silva, membre d’un groupe d’intervention clandestine rattaché à la CIA. Mais ce changement d’approche ne fait rien perdre au réalisateur de son ambition d’exploiter l’héroïsme américain (et non pas l’interroger comme le ferait un Clint Eastwood).
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En posant l’action dans un pays fictif, nommé « Indocarr » et filmé à Bogota, Peter Berg peut bien plus facilement bâtir son plaidoyer pro-américain sur un manichéisme primaire, comme il le faisait dans d’autres oeuvres où les héros luttaient contre des terroristes et/ou des islamistes. Ici, les vilains sont des agents d’un gouvernement asiatique imaginaire – aucun risque de crispation diplomatique avec le plus grand marché du monde – qui, à l’inverse des agents américains, n’ont aucun scrupule à tuer des civils pour arriver à leur fin. Mais, à l’instar des personnages « positifs », ces tueurs indocarriens n’arrivent pas à exposer leurs motivations entre deux plans de coupe qui nous permettent à peine de les situer dans l’espace. Mais, on ne va pas se mentir : Le seul personnage non-américain un tant soit peu intéressant est celui qu’interprète Iko Uwais.
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Ce que l’on attend de l’acteur révélé par The Raid et sa suite, ce n’est évidemment pas de le voir rivaliser de crédibilité dans des face-à-face avec Mark Wahlberg, mais bien sûr de le voir réaliser des combats chorégraphiés avec virtuosité. Toutefois, même si son personnage est l’élément clé du récit (et de sa résolution, qui se révèle être surprenante... surtout depuis la fin de la guerre froide, nous n’en dirons pas plus), il déçoit inévitablement de par le peu d’affrontements à mains nues que le film lui donne l’occasion d’effectuer. Il n’y en a en fait qu’une seule de notable, la scène dite « de l’infirmerie », et c’est (sans surprise cette fois) celle dont on a aperçu tous les meilleurs mouvements dans les bandes-annonces. Ce court passage, seule fois où le montage prend le temps de voir Iko Uwais porter ses coups, est à l’image de tout le film : efficace mais insuffisant pour un film d’action vendu sur le nom de sa star des arts martiaux.
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