Désabusé
Le 10 mai 2021
Michael Bay revient à un "petit" film avec ce récit impressionnant des attaques terroristes du 11 septembre 2012 sur Benghazi, en Lybie. Un film maladroit et trop long, mais qui vaut bien mieux que sa réputation de film de propagande républicaine.
- Réalisateur : Michael Bay
- Acteurs : Toby Stephens, John Krasinski, Max Martini, James Badge Dale, Pablo Schreiber, David Denman
- Genre : Action, Film de guerre
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Paramount Pictures France
- Durée : 2h24mn
- Date télé : 28 février 2024 23:55
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Box-office : 106.354 (entrées France) / 52.853.219M$ (recettes US)
- Titre original : 13 Hours : The Secret Soldiers of Benghazi
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 30 mars 2016
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Résumé : Six soldats des forces spéciales américaines doivent défendre un camp diplomatique face aux assauts répétés d’islamistes radicaux à Benghazi. Ils se retrouvent vite submergés et sans soutien militaire extérieure.
Critique : Évacuons tout de suite la polémique qui sévit en ce moment autour du film. Oui, 13 Hours est un film qui célèbre le courage des soldats. Difficile, en l’état, de remettre en cause l’héroïsme dont ils ont fait preuve ce 11 septembre 2012. Non, le film de Michael Bay n’a rien de l’objet de propagande pro-républicain qu’on voudrait nous vendre pour qu’on n’aille pas le voir. (Les Français n’aiment pas les États-Unis, encore moins son armée). Si le discours politique n’est clairement pas le cœur du film, il faut néanmoins évoquer la critique, peu subtile il est vrai, de la bureaucratie militaire américaine qui se cache derrière des écrans et laisse des soldats sans moyens sur le terrain, livrés à eux-mêmes et aux aléas d’un pays instable. Qu’Hillary Clinton ait été en poste à l’époque est un fait indiscutable. Que le film sorte en période électorale ne devrait toutefois pas empêcher de juger l’œuvre et son discours indépendamment du contexte dans lequel il sort.
- © Paramount Pictures
Pétri de maladresses, le film l’est assurément. Le quotidien des soldats avant l’assaut est dépeint avec son lot de dialogues pas très fins, et les (nombreux) appels aux familles sont soulignés par les compositions ronflantes de Lorne Balfe. Le casting est, à l’image du script, inégal. On est content de retrouver John Krasinski dans un rôle à l’opposé du Jim de The Office. Après Promised Land, de Gus Van Sant, il confirme une belle étendue de jeu. Quant à James Badge Dale, il nous vendrait du papier-toilette qu’on trouverait ça chouette. Difficile néanmoins de s’attacher à tous, la faute à un scénario plein de lieux-communs. Séance de musculation, blagues lourdes, virilité célébrée... Peter Berg y arrivait beaucoup mieux avec son magnifique Lone Survivor, qui partage avec 13 Hours cette empathie profonde envers des soldats qui risquent leur vie dans des situations extrêmes. Heureusement, la partie du film qui précède l’attaque est réduite à sa portion congrue, l’arrivée de Jack (John Krasinski) à Benghazi au tout début du film permettant à Michael Bay d’accoucher d’une scène intense sans y glisser une explosion dedans. Un miracle, diront certains, quand d’autres attendront avec impatience le déroulement pépère du scénario, pour foncer pied au plancher vers ce qui intéresse Michael Bay, l’action.
- © Paramount Pictures
Il devient alors urgent de crier haut et fort ce que Michael Bay apporte, film après film, au cinéma d’action. Il est, avec Tony Scott ou, osons le dire, John McTiernan, un des grands formalistes du cinéma d’action. Michael Bay a été moqué pour avoir réutilisé un célèbre plan de son Pearl Harbor, où la caméra suit la trajectoire d’un obus jusqu’à sa cible, presque en caméra subjective. Condamner la résurgence de motifs propres à son auteur, c’est nier son existence même. Qu’est ce qu’un auteur, si ce n’est celui qui rejoue à chaque nouvelle partition, en de subtiles variations, des motifs personnels ? Juger Michael Bay parce qu’il utilise un effet qu’il a mis en image par le passé revient alors à déconsidérer le gimmick visuel et l’image pour l’image. Et oublier ainsi que le cinéma est avant tout une image en mouvement, depuis L’Arrivée en gare d’un train de la Ciotat.
S’il faut aller voir 13 Hours, c’est bien pour sa représentation hallucinée de la guerre, qui tient souvent de la pure fantasmagorie. Au delà du réalisme, (on n’est pas, encore une fois, chez Peter Berg), Michael Bay orchestre des scènes de guerres démentielles, picturales, où l’ennemi est plus souvent une ombre sans visage qu’un barbu aux sourcils froncés. Voir cet affrontement dans une zone surnommée "Zombieland", où les draps déchirés et la poussière dissimulent des assaillants qui ne sont que des silhouettes. On pense alors au chef-d’œuvre de Johnny To, Vengeance, et sa confrontation finale hallucinée.
- © Paramount Pictures
Les scènes nocturnes, nombreuses, offrent un festival de couleurs à la limite de l’impressionnisme. Le cinéma de Bay, un peu trop manichéen, toujours à la limite du mauvais goût, se transforme alors en expérience sensorielle unique, bain de lumières et de couleurs, qui témoigne au moins du caractère insaisissable de la guerre, toujours commentée, discutée, condamnée ou célébrée par des personnes qui ne la vivent jamais.
Alors, s’il faut juger la morale du film au-delà de l’image, il faut la juger toute entière, dans ses maladresses mais aussi sa lucidité. Nul héroïsme va-t-en guerre. Un soldat qui s’interroge sur les raisons de la présence américaine dans un pays qui n’a rien demandé. Un autre qui a perdu de vue les raisons de son engagement. Jugement à l’aune des derniers plans du film. Les morts libyens pleurés par les femmes et les enfants. Un soldat qui craque, en larmes au téléphone. Un drapeau américain noyé sous les débris. De la à dire que Michael Bay condamne l’interventionnisme américain ? On n’ira pas jusque là. On ira pas non plus dans l’autre sens, à dire que son film est rance.
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