Le 26 octobre 2018


- Scénariste : Annaig >
- Dessinateur : Loïc Sécheresse
- Collection : MIRAGES
- Genre : Aventure
- Editeur : Delcourt
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 19 septembre 2018
Fable féministe, progressiste et mythologique, un concentré de valeurs portées et d’espoirs déçus de l’humanité.
Résumé : Le Roi Gradlon voulait quitter son royaume pour s’enfuir avec sa bien-aimée. La fugue entre les vagues tourne court, le décès de sa femme en couches le laisse avec une fille et des regrets, jusqu’à l’arrivée d’un prêtre mystique, porteur d’une religion nouvelle. En vieillissant, il s’enfonce dans la foi, tandis qu’en grandissant, la princesse s’élève dans la joie de vivre.
Il y a de la légende, du mythe, du conte et de la parabole dans cet album d’Ys, nom d’une ville, d’un espoir, d’un fragment de société et d’utopie. Rêve d’une femme de pouvoir indépendante, cette histoire mêle d’une manière originale soucis magiques et économiques, desseins religieuses et politiques. Les difficultés sociales et les revers économiques paraissent étrangement moins vrais que les miracles et les remèdes sacrés qui sont les solutions. De fait, les élans eschatologiques des ermites ou des saints côtoient les forces ancestrales païennes, après une première partie où les années et les péripéties ont défilé à une vitesse accélérée, le tout sans vraie magie. L’essor du christianisme est ainsi tissé à travers une toile métaphorique à la fois acerbe et conquérante, où l’on voit la culpabilité s’asseoir sur les mœurs et le quotidien des gens, lentement mais sûrement, comme dans l’Histoire, la vraie. Rien que pour ce sentiment désagréable, sourd et tenace, que le déroulement de l’histoire (la fictionnelle) procure, à travers la modification du caractère des personnages, Ys est une totale réussite. Sorte de pamphlet moderne, parabole bien amenée qui n’a rien à envier aux Troglodytes d’un Montesquieu ou les autodafés d’un Voltaire, c’est davantage qu’un scénario qui se dessine, c’est un message qui est passé, une flamme portée, alliant le mythe et le mysticisme.
© Delcourt
La forme apparente de ce message, n’en est pas moins originale et attrayante. D’un prologue proche de l’épique, qui semblait appeler un univers chevaleresque audacieux, va se dégager rapidement une senteur d’encens, mais aussi une sensualité parfumée, les robes, de bure ou d’étoffe, prenant la place des épées et des lances. Dans la seconde partie de l’œuvre, on remarquera l’ambivalence des couleurs, marqueur de palais, d’ambiance et de croyance. En parlant de palais, l’audace se retrouve avec l’imagination d’une architecture plus libre, puisque plus féminine, sans tours, créneaux ou angles durs, qui ont dominé tout le Moyen-Âge, mais avec la grâce et l’arrondi doux de l’invention propre à une architecture féminine.
© Delcourt
Critique de la religion et de la société, histoire légendaire réécrite et reconstruite, envoûtement mystique, Ys est un tout protéiforme, qui se suffit à elle-même, et qui mériterait de s’imposer dans le paysage de la BD contemporaine.
112 pages - 18,95€