Le 27 mai 2015
Un beau film sensible et juste, qui est autant un road-movie qu’une quête de soi par le voyage.
- Réalisateur : Rachid El-Ouali
- Acteurs : Rachid El-Ouali, Marc Samuel
- Genre : Comédie, Romance, Road movie
- Nationalité : Marocain
- Durée : 1h43 mn
- Date de sortie : 3 juin 2015
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Un beau film sensible et juste, qui est autant un road-movie qu’une quête de soi par le voyage.
L’argument : Ymma raconte l’histoire d’un quadragénaire de Casablanca qui décide de s’envoler en Corse à la recherche de sa bien-aimée. Tout ce qu’il sait d’elle, c’est qu’elle vit en Corse. Il décide alors de partir à sa recherche.
Notre avis : Le film appartient à la catégorie vague des road-movies, déambulation nonchalante du Maroc à la Corse. Boujemaa, « créatif » dans une agence de pub caricaturale, fait un break pour retrouver son « amour » dont il ne sait presque rien. Évidemment, l’intérêt vient moins de la double quête (une idée pour une nouvelle campagne et la femme en question) que des rencontres, sensibles ou violentes, qui parsèment un chemin chaotique. Rachid El Ouali, dont c’est le premier film, construit son voyage sur une belle idée : chaque personne croisée est en elle-même une histoire, faite souvent de souffrances et de frustrations. Autrement dit, chacune représente un film potentiel, peu développé, mais qui, en quelques plans, intéresse et émeut. El Ouali accorde à toutes ces silhouettes le statut d’humain, riche d’une vie dont le spectateur peut imaginer la suite. La technique de la « petite touche », très efficace ici, permet de lancer des pistes, dont seuls quelques éléments nous sont donnés comme une invitation à la considération. Ce sera par exemple cette cliente de l’hôtel, entraperçue, qui demande chaque jour si son fils est venu ; ou cette Corse qui accueille Boujemaa et veut le garder parce qu’il ressemble à son enfant disparu. Autant de petites anecdotes, touchantes et sensibles, qui dessinent un monde de sentiments loin de la superficialité du début.
© Panoceanic Films
Pour charpenter son récit, le réalisateur a choisi la figure du double et de la répétition : double quête, doubles mères éplorées, on l’a dit, mais pas seulement ; le héros se fait assommer deux fois, par exemple. De même la répétition des plans de vitres ou de miroirs, de portes qui se ferment, de visages de femme mélancolique isolée dans le champ, constituent autant de signes d’un voyage qui ne cesse de se bloquer. Car au fond, mais c’est un truisme du road-movie, le vrai voyage est intérieur : ce que découvre Boujemaa, à travers les autres, agressifs ou amicaux, c’est lui-même, ce qui lui permet d’accéder à son tour à l’humanité. S’il part de loin, avec sa vie de travail, son appartement dénudé et sa souris, qui, symboliquement, ne cesse de tourner dans sa roue, le trajet l’enrichit, l’ouvre au monde (paysages de Corse ou du Maroc, magnifiques dans le refus même de la carte postale), et lui fait découvrir la vanité de sa quête. Certes, son projet de campagne publicitaire réussit, mais il est devenu secondaire et, dans le beau plan final, il peut remettre la capote de sa voiture, se repliant sur une intimité enfin réalisée.
© Panoceanic Films
Le film comporte suffisamment de belles scènes pour que l’on passe sur certaines maladresses telles que l’utilisation de ralentis ou un hommage incongru à Duel de Spielberg. C’est dans le détail qu’il prend tout son sens et sa force : que Boujemaa s’arrête dans un café, et, en quelques plans, El-Ouali nous montre une galerie de personnages, à peine esquissés : une femme dont le mari relève le voile pour qu’elle mange, un serveur dragueur, un violoniste ; il parvient à saisir la vie à travers des gestes anodins, des petits riens, des regards qui densifient et font le prix du voyage.
Dans ce film bavard par moment, les sentiments passent autant par la parole que pas les attitudes (voir le refus du père de lui parler, ou la mère qui observe depuis sa fenêtre). Pour ces dialogues, El-Ouali choisit, même si le pari n’est pas intégralement tenu, de refuser le champ-contrechamp, ce qui le conduit parfois à des plans alambiqués, comme l’échange avec le conducteur violent vu à travers le rétroviseur. Coquetterie ou réelle réflexion sur la manière de filmer des interlocuteurs, ces plans détonnent dans l’apparente simplicité de la mise en scène. Mais ce sont là péchés véniels : sans être totalement original, Ymma séduit par l’attention sensible portée aux personnages, au long de cette quête initiatique et intérieure. Tel un personnage de Beckett, Boujemaa devra se dépouiller, volontairement (le CD du Boléro jeté) ou pas (l’agression de la jeune fille en colère constante) de tout ce qui l’entrave et ne garder que sa vieille machine à écrire pour trouver sa voie.
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