When you’re strange : a film about The Doors - La critique

A groupe culte, film culte ! Tom DiCillo rend brillamment compte de la carrière des Doors avec force d’énergie, de documentation et de conviction passionnée et passionnante.

L’argument : A l’origine, il y a Les portes de la perception, le livre d’Aldous Huxley sur son expérience de la mescaline et d’autres drogues hallucinogènes. La citation de William Blake, qui lui a fourni le titre de ce livre, inspira également Jim Morrison et Ray Manzarek pour le nom du groupe - The Doors - qu’ils fondèrent en 1965 à Venice Beach avec John Densmore et Robby Krieger. Ils allaient devenir l’un des groupes les plus importants et les plus influents du rock américain.

Notre avis : Il ne fait absolument aucun doute que Tom DiCillo est un fan inconditionnel du groupe The Doors. Ce sujet le fascine et l’admiration toute particulière qu’il éprouve à l’égard de son leader, Jim Morrisson, est palpable à chaque instant de ce documentaire audacieux et fascinant consacré à l’un des groupes les plus marquants de l’histoire du rock. Le cinéaste met en avant la personnalité hors norme du chanteur, le présentant par nombre de gros plans rendant grâce, au passage, à sa beauté qui a participé de son succès. Somme toute, le procédé de concentration de l’attention est-il logique puisqu’en tant que leader charismatique des Doors, Jim Morrisson a grandement contribué au succès du groupe.

Se basant majoritairement sur des images d’archives datant de la fin des années soixante, When you’re strange : a film about The Doors ne se concentre pas uniquement sur la musique du collectif. DiCillo situe et justifie la création et l’évolution du groupe par rapport à l’environnement social, aux bouleversements historiques et culturels que les États-Unis connaissent à cette époque. A travers le parcours des Doors, le cinéaste évoque l’état d’esprit d’une jeunesse en quête de renouveau et de changements, aux désirs de révolte et de braver les interdits d’une société ancrée sur des valeurs qu’ils désirent voir progresser et se transformer. Jim Morrisson n’apparait alors plus seulement comme un artiste poète et exubérant mais tel une icône contestataire représentative de l’effervescence hippie. The Doors devient un symbole de la contre-culture américaine.
Tom DiCillo se veut exhaustif ; c’est pourquoi le groupe est longuement présenté lors de ses concerts révélant ainsi l’évolution technique, musicale et scénique de chacun des membres. L’appréciation de leurs compositions est possible car les séquences sont longues et aucune voix-off ne vient perturber l’écoute. Le documentariste utilise également de nombreuses photos qu’il réexploite en effectuant des recadrages, décadrages, en zoomant rapidement transcrivant la mouvance psychédélique des Doors.

Le cinéaste explore également l’essence, la musique et l’histoire des Doors par la fiction. Des séquences muettes présentent un homme barbu, manifestement hippie qui, au cours d’une traversée du désert en voiture, apprend la mort de Jim Morrisson. L’atmosphère, la photographie inondée de soleil, les panoramiques sur la route s’apparentent de manière troublante à Point Limite Zéro (Vanishing Point - 1971) de Richard Sarafian évoquant, à travers une gigantesque course-poursuite, la contre-culture pop et les bouleversements sociaux de l’Amérique plus généralement. L’inconnu que nous propose de suivre TomDiCillo ressemble physiquement à Jim Morrisson, pourrait être son double, son négatif puiqu’il est ici question de cinéma. La pérennité de The Doors est assurée, la mémoire de Jim perpétuée par cet homme, symbole anonyme comme tant d’autres admirateurs du groupe.

When you’re strange : a film about The Doors agit comme un témoin rétrospectif et argumenté de ce groupe mythique dont la discographie a bouleversé toute une génération et continue de surprendre et de séduire. Tom DiCillo a habilement sublimé sa passion initiale pour en exploiter les ressorts et proposer un brillant documentaire qui en convaincra plus d’un. « Is everybody in ? », aurait dit Jim !