Le 11 octobre 2016
- Réalisateurs : Alfred Hitchcock - Andy Warhol
- Plus d'informations : Dossier : les 25 polars cultes d’Alfred Hitchcock
Un vendredi 26 avril 1974, Andy Warhol rencontrait Alfred Hitchcock au Park Lane Hotel à New York pour sa revue Interview Magazine. Marest Éditeur publie leur conversation sous le nom Warhol/Hitchcock. Un échange presque burlesque, et presque indispensable.
"Warhol / Hitchcock"… difficile de ne pas noter ici l’accointance évidente avec les fameux entretiens "Hitchcock / Truffaut", graal de cinéphile qui permit en son temps au papa de Jules et Jim de porter aux nues le génie du cinéaste américain, jusqu’alors sous-estimé. Reste une différence de taille, cette fois : le maître au costume noir, tout en restant au premier plan, sert en quelque sorte d’interface. C’est autour de lui et par lui qu’Andy Warhol articule en filigrane une forme de confession. Rien d’anodin, donc, à voir le titre placer le nom de Warhol devant celui d’Hitchcock, ou son trait rouge s’apposer en couverture aux côtés du profil du cinéaste. Le montage conservé, qui reprend à l’écrit toutes les scories de l’enregistrement original, se lit comme une pièce de théâtre rocambolesque, sans pour autant tarir en anecdotes.
Le vendredi 26 octobre 1974, Andy Warhol rencontrait pour sa revue Interview Magazine Alfred Hitchcock au Park Lane Hotel à New York dans le cadre d’un "press junket", en marge de la sortie du film Frenzy - portrait sans concession du Londres d’alors. L’occasion d’une conversation étonnante et faussement nonchalante. Pierre Guglielmina, l’auteur de la préface et de la traduction de l’entretien, veut voir dans ces quelques mots échangés par les artistes, dans les non-dits, les silences, les pièges posés ici ou là… les traces d’un langage codé qui en dirait nettement plus long sur les locuteurs qu’on ne l’imagine. Une sorte de radio Londres, en somme, joué et déjoué par Andy Warhol et Alfred Hitchcock. Si l’analyse du critique et traducteur trouve parfois ses limites à force de trop chercher un sursignifiant là où seule la spontanéité demeure, surestimer l’intelligence des deux hommes ne se révèle pas un mal.
Une interview façon Pop Art
- Warhol, entre 1966 et 1977 - Copyright Jack Mitchell / Creative Commons
À l’inverse des questions finement préparées par François Truffaut, l’artiste américain développe l’entretien par l’absurde. Il ne cache pas son incapacité à trouver les mots pour parler au réalisateur, télescopant volontairement ou non l’introversion d’Hitchcock et la sienne. Là où l’on aurait été tenté d’attendre ici de simples détails cinéphiles du papa de L’ombre d’un doute - glanées pour le reste par un journaliste attablé avec Warhol et Hitch -, exsudent en définitive surtout les obsessions des deux hommes. Hésitant, parfois même presque fébrile, le chantre des sérigraphies et de la répétition tente plusieurs fois d’amener Hitchcock sur le terrain d’une déconstruction d’Hollywood. En faisant référence à la famille Hitchcock et à ses affinités pour les professions du cinéma, il évoque les Minnelli, les Huston, les Chaplin et autres Carradine, donnant à voir les grands studios comme un grand magasin avec des enfants de stars dans tous les rayons. Allusion, parmi d’autres, à laquelle le réalisateur de Sueurs froides ne prêtera guerre d’attention. Même chose lorsque Warhol aborde la tentative de meurtre dont il fut victime, décrivant l’événement comme un programme télévisé dont il n’était que le spectateur. Pas que les deux artistes ne se comprennent pas, bien au contraire, mais simplement que leur intercompréhension semble devoir en passer par les écueils du langage pour se réaliser.
Du cinéma il est ici bien évidemment question, mais surtout de la façon de le fabriquer et de le penser. Tels deux enquêteurs, Hitchcock et Warhol scrutent le pourquoi d’un meurtre, s’en remettent à l’énigme laissée par Jack l’Éventreur… Avant que le cinéaste légendaire ne passe en revue quelques-uns des films de sa filmographie, sans lésiner sur les récits dont il a le secret en matière de production ou de tournage. Si "Warhol / Hitchcock" n’apprendra sans doute rien de nouveau aux lecteurs du grand entretien composé par Truffaut, toutes les scories inhérentes à l’enregistrement ici retranscrites en disent long sur les deux hommes. Quelque chose de presque voyeur, quelque part, persiste dans cette édition. De nature à trahir un peu plus de la psychologie tourmentée et fascinante de ces deux génies, pour le plus grand plaisir de leurs aficionados.
À noter que Pierre Guglielmina, outre ses traductions de Richard Ford, Breat Easton Ellis, Jack Kerouac, etc., avait traduit "Hitchcock par Hitchcock", publié en 2012 chez Flammarion. Une réédition est d’ailleurs attendue en janvier 2017 chez Marest Editeur.
WARHOL / HITCHCOCK Traduit de l’Anglais (États-Unis) par Pierre Guglielmina
80 pages - 11x18 cm - ISBN : 979-10-96535-00-2
Couverture avec rabats, cahiers cousus.
Prix TTC : 9 €
Parution le 8 novembre 2016
Editeur : MAREST Éditeur - Diffusion : POLLEN difusion
Galerie photos
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