Le 19 septembre 2019
- Date télé : 19 septembre 2019 21:10
- Chaîne : France 2
Un effet Gilets Jaunes ? La nouvelle émission politique de la chaîne publique, Vous avez la parole, tiendra davantage compte de ceux qu’on appelle "les membres de la société civile". En revanche, les présentateurs ne changent pas.
Avis : Léa Salamé et Thomas Sotto, déjà en duo pour L’Emission politique, font évoluer la formule du programme rebaptisé Vous avez la parole, dont le titre annonce la couleur : il s’agit bien de redonner plus de place aux citoyens, comme une sorte de prolongement au Grand débat national, lancé en janvier 2019. Lexicalement, l’intitulé est indéniablement une nouveauté. Jusqu’à présent, sur France 2, le quidam (vous, moi, les spectateurs, les Français) n’était pas directement nommé, ni dans L’Émission politique (2016-2019), ni dans Des paroles et des actes (2011-2016), ni dans A vous de juger (2005-2011), ni dans 100 minutes pour convaincre (2002-2005)
Mais en fait, la formule n’est pas révolutionnaire : on a déjà vu des gens de la société civile, sélectionnés selon un panel représentatif, qui sont invités à s’exprimer et à questionner des élus politiques, lesquels leur répondent en feuilletant le vaste catalogue des thèmes d’actualité, dont les animateurs, placés en position de modérateurs, agencent l’ordonnancement. Qu’il y ait un ou cinq hommes/femmes représentant(e)s élu(e)s ne change rien. Qu’il y ait, en face, celles et ceux qu’on présente comme une photographie de la France, dans sa diversité sociologique, cela non plus n’est pas l’essentiel.
Ce qui compte, c’est la distribution des fonctions. Visiblement, les spécialistes y joueront une nouvelle fois le rôle qu’on leur connaît : Nathalie Saint-Cricq, éditorialiste politique à France Télévisions, et Brice Teinturier, directeur général délégué de l’institut IPSOS, assisteront aux débats, nous dit-on. Il y a fort à parier que le dernier mot leur sera laissé : ils en feront la synthèse, l’une par un commentaire, l’autre par des données chiffrées, puisqu’il faut forcément que tout finisse par des sondages. Si on est plus direct, on dira que Saint-Cricq et Teinturier, tu parles d’une nouveauté.
Quant à la mise en scène, elle s’apparente à un écran de fumée : on assoira l’hôte, Xavier Bertrand, dans un fauteuil, façon talk-show à l’américaine, pour organiser un semblant de convivialité, voire de proximité, et puis dans la deuxième partie, afin de figurer l’égalité des participants, on les installera derrière un pupitre : c’était déjà la mode aux dernières élections présidentielles (et même avant). Le dispositif n’a absolument pas aboli l’impression générale d’une inégalité entre les "petits" candidats et les "têtes d’affiche" (ne serait-ce que dans la manière dont un certain nombre de journalistes se sont adressés à eux).
Au-delà des effets d’annonce, qui participent du spectacle télévisuel, on sera attentif, en pensant à ce que disait Bourdieu à une autre époque : le sociologue, dans un numéro d’Arrêt sur images resté célèbre, dénonçait les inégalités de traitement réservées aux invités, s’en était pris aux injonctions faites, au cours d’une émission, par Jean-Marie Cavada à l’un de ces représentants de la société civile, si courtisés par la télé, depuis quelques mois. Seront-ils considérés par les journalistes de la même manière que des professionnels de l’éditorialisme, également présents ce soir (Natacha Polony, une consœur), ou que l’invité politique de ce jour ou que le politologue Jérôme Fourquet ? On l’espère, mais on reste méfiants.
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