Le 9 janvier 2020


- Scénariste : Gradimir Smudja >
- Dessinateur : Gradimir Smudja
- Genre : Historique
- Editeur : Delcourt
- Date de sortie : 24 janvier 2003
Relecture iconoclaste de la vie de l’artiste. Un hommage de la bande dessinée à la peinture. Une œuvre d’art.
Et si Van Gogh n’avait été qu’un type sans talent ? Qu’un détraqué dépressif incapable de manier le pinceau ? S’il n’avait dû son génie qu’à un chat prénommé Vincent, capable d’offrir la vie éternelle à des tournesols qui donnaient jusqu’alors tout leur sens à l’expression nature morte ? Farfelu, le point de départ de Vincent et Van Gogh ? Bien sûr. N’empêche que l’hommage que rend Gradimir Smudja non seulement à Van Gogh, mais à toute la peinture, est aussi beau que la terrasse du Café le soir, place du Forum à Arles.
Vincent et Van Gogh. Le chat et son maître quand le premier ne domine pas le second. Deux êtres complémentaires, inséparables. On a beau connaître un peu la vie du peintre et deviner où l’auteur veut nous mener avec cette biographie iconoclaste, on se laisse complètement emporter par cette bande peinte plus que dessinée.
Paris, Arles, Saint-Rémy, Auvers-sur-Oise, Smudja nous emmène sur les traces de Vincent dans ses dernières années, jusqu’à son suicide en 1890. On croise Monet, immergé dans un étang et croquant des nymphéas, Gauguin, qui ne serait rien sans son perroquet Paul, Toulouse-Lautrec. On apprend que Vincent, le chat, vient d’une illustre famille : son arrière-grand-père a peint les plus grands chefs-d’œuvre de Rembrandt (il est mort écrasé par la Ronde de nuit) et son grand-père Eugène a, lui, perdu la tête en peignant La liberté guidant le peuple de Delacroix. Mais on assiste aussi au naufrage de Vincent sombrant dans la folie et l’on reste impuissant comme Van Gogh, qui tente en vain de l’aider. Le propos est farceur et grave à la fois.
On voit aussi des champs de blés, des meules de foin, une maison jaune, des arbres, des couleurs évidemment étonnantes. L’esprit de Van Gogh est partout, éclatant. Le talent de Smudja aussi. Le dessinateur ne se limite pas, en bon élève, à intégrer dans son récit les toiles du maître. Il s’en inspire, les décortique, les détourne. La création des Tournesols est à couper le souffle. La façon dont il reprend la technique de l’autoportrait dans les tons bleus, peint à l’hôpital psychiatrique de Saint-Rémy, pour illustrer, à coup de tourbillons marine, un rêve où Vincent vient hanter Van Gogh est saisissante. Smudja parvient ainsi à faire naître des émotions rares en bande dessinée. Accrocher Vincent et Van Gogh dans un musée ? Pourquoi pas ! D’ailleurs, Vincent s’y trouve déjà. Le paysan qui fait la sieste dans un champ, les bras derrière la tête, dans La méridienne, n’a-t-il pas quelque peu les traits d’un chat ?
70 pages - 15,50 €