Sympathy for the Devil
Le 2 juillet 2003
Troublant, effrayant, polémique, pas toujours accessible, mais sacrément impressionnant.

- Auteur : Maurice G Dantec
- Editeur : Gallimard
- Genre : Polar, Roman & fiction, Science-fiction
- Date de sortie : 30 septembre 2004

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Une chose est sûre, Dantec en a à dire ! Au risque de se noyer dans le mélange des genres, de semer le trouble dans l’esprit de ses lecteurs, l’auteur des Racines du mal part dans un exercice de style un peu fourre-tout, savant et documenté, construit et argumenté, bien décidé à se poser comme chroniqueur apocalyptique et définitif du monde contemporain.
Car Villa Vortex est non seulement un épais pavé mais aussi un ouvrage découpé en quatre "Mondes" tenant à la fois de l’essai, du journal intime, de l’étude politique et accessoirement du roman. Le personnage central s’appelle Georges Kermal et se souvient d’une enquête, d’un serial killer qui découpait des gamines en morceaux pour tenter de donner vie à la mort. Qui leur glissait des disquettes, des fils, des articulations à l’intérieur du corps pour faire de ses cadavres des re-créations humaines... Kermal est assisté par Mazarin, un vieux de la vieille qu’on lui flanque dans les pattes et qui va lui présenter un ancien flic mis au placard pour avoir voulu se pencher de trop près et trop tôt sur le phénomène des tueurs en série. Un phénomène en parfaite adéquation avec l’évolution de la société contemporaine, qui ne récolte que ce qu’elle sème.
Naviguant entre réflexions sur la chute des démocraties européennes et sur la fascination qu’exerce la mort, Dantec nous livre sa version des dix dernières années du vingtième siècle. Entre l’effondrement du mur de Berlin, élément déclencheur pour le narrateur, et l’apogée du terrorisme international, illustré par les attentats du 11 septembre, il peint un univers désespéré ayant engendré sa perte. Réflexions mystiques, ésotériques et religieuses, chapitres entiers sur la notion d’écrivain, de narrateur, de double ou de personnage, le lecteur non averti se sentira sans doute un peu perdu, surtout s’il n’a pas pris la peine de se munir d’un dictionnaire.
Mais l’ensemble est paradoxalement tellement fort et troublant qu’il est difficile de ne pas se laisser emporter dans cet insatiable tourbillon linguistique. On pourrait reprocher à Dantec d’en faire trop. On pourrait reprocher à Dantec une vision du monde manichéenne et désespérée. On pourrait lui reprocher beaucoup de choses mais certainement pas de manquer de talent.
Maurice G. Dantec, Villa Vortex, Gallimard, coll. "La Noire", 2003, 823 pages, 24 €