Versipelle T1 Hiver - La chronique BD

Résumé  :

Au temps des vikings, dans les forêts enneigées du grand Nord, Gunnulf est assassiné par un homme qui veut lui voler la peau du Versipelle ! Celle-ci confère des pouvoirs fabuleux à son porteur mais Gunnulf, avant de mourir, prévient son assassin qu’il faut être maître-loup pour la (sup)porter. N’écoutant que son ambition et faisant fi des avertissements de sa victime, le meurtrier pose la redoutable peau sur ses épaules, il pousse un cri alors que quelque chose d’horrible se passe...
Sigurd, le fils de Gunnulf, n’a pas l’intention de laisser la mort de son père impunie mais sa tâche va être compliquée car nombreux sont ceux à se méfier de lui, voire à le détester. En effet, Sigurd est certes le fils du vaillant Gunnulf mais sa mère est une louve brune ! Ce qui fait de Sigurd un enfant-loup...

Notre avis :

« Versipelle » est une histoire de vengeance mais aussi une quête d’identité. En effet, Sigurd veut venger son père et on prend très vite son parti. Mais on découvre que les actes du meurtrier n’étaient pas justifiés uniquement par l’ambition. Et tout d’un coup, on finit par comprendre ce personnage antipathique et se demander s’il n’existe pas une autre solution que la vengeance.
Car finalement, avec la peau du versipelle, Gunnulf s’est vengé au-delà de la mort. Cette défroque se révèle vite une malédiction pour qui ne sait l’utiliser.
Dans ce monde cruel, on a l’impression que tous ont une raison de garder rancœur contre quelqu’un. Les occasions de provoquer la soif de vengeance pleuvent et certains refusent même de rejoindre le Valhalla pour protéger les leurs, voire pour les venger quand mal leur est fait.
Mais Sigurd, dans sa quête de vengeance, va devoir aussi trouver sa place. A moitié loup, à moitié homme, il appartient aux deux races, sans être totalement de l’une d’entre elles. Si les loups ont l’air plus compréhensifs à son égard, les hommes le rejettent. Et même son amie Randi, la guérisseuse, lui rappelle que le moment fatidique du choix se rapproche.
Alors quelle vie choisir, ou ne pas choisir ? Sigurd cogite mais la colère le remet vite sur le chemin de sa proie.
Si le fantastique n’était pas assez présent à votre goût – et là, c’est que vous êtes quand même assez exigeant -, le Draugr va remettre les pendules à l’heure. Là aussi, un personnage d’apparence buté mais dont on comprend finalement les motivations.
Isabelle Bauthian, avec ce premier tome, nous pose un univers qu’on a déjà appréhendé par ailleurs mais surtout, elle nous amène une galerie de personnages qui doutent, à la lisière de deux mondes, qui avancent tant bien que mal à la recherche de buts. Des buts qui, à notre avis, vont évoluer au fur et à mesure de l’histoire, dont nous découvrirons la fin au prochain tome car Versipelle est un diptyque.
Sigurd, le Daugr, Edi, et l’Ulfedhnar en cavale deviennent tous des personnages à multiples facettes. La petite Randi est peut-être un peu moins intrigante mais il reste un tome pour que de sombres secrets apparaissent autour de ce personnage.

Anne-Christine Ott donne vie à cet univers. Ces dessins sont simples dans un style épuré. Les visages lisses sont altérés uniquement par les émotions qui les traversent. Les corps sont souvent dans l’attente et les quelques scènes d’action, violentes et crues, tranchent d’autant avec l’immobilisme des êtres.
Les couleurs sont tranchées et dans des tons généralement froids, seuls quelques vagues de violence, de colère, de rage, de sang apportent la présence d’une chaleur exprimée par des rouges et des oranges contrastant avec la froideur hivernale. Car la saison, qui donne son nom à ce premier tome, est bien présente. La neige qui recouvre tout, qui semble allonger les distances, isoler les êtres, ne semblent pas forcément un obstacle pour nos traqueurs, nous parlons de Sigurd, Randi et le Daugr.
La composition joue sur des planches de deux à cinq bandes de une à quatre cases. La lisibilité, dans ce blanc hivernal, est bien tenue et on n’est jamais perdu, ni dans la lecture des planches, ni dans les scènes d’action. Les cases savent ralentir ou accélérer le rythme en décomposant plus ou moins les événements. Ott prend le temps de laisser parler les regards.
Et pour cela, le cadrage intervient tout autant que la composition. Les plans se désaxent en même temps que les cases se tordent quand les choses dégénèrent, renforçant le souffle du danger ! Et paradoxalement, dans cette histoire, le danger n’est pas là où on l’attend.

Versipelle est un récit de vengeance et de quête. Plongé au cœur de l’hiver nordique, des personnages se cherchent ou se fuient. On se demande où cette histoire va nous mener et comment elle va finir et l’attente du second tome va paraître bien longue.

Zéda au coeur du grand froid...