Le 29 octobre 2018
Le biopic n’est ici qu’un prétexte à enchaîner des séquences folles, caricaturales, hors norme. Pour les amateurs de films « bigger than life ».
- Réalisateur : Ken Russell
- Acteurs : Leslie Caron, Carol Kane, Rudolf Noureev, Michelle Phillips, Felicity Kendal
- Genre : Drame, Biopic
- Nationalité : Américain, Britannique
- Distributeur : Les Artistes Associés
- Durée : 2h08mn
- Box-office : 349 587 entrées France / 154 045 Paris Périphérie
- Date de sortie : 7 septembre 1977
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Résumé : Terrassé par le stress, le célèbre Rudolph Valentino meurt à l’âge de trente et un ans. Acteur, danseur et chanteur, le charmant jeune homme était une étoile née au sein du show-business. Pourtant, ce latino d’ Hollywood ne rêvait que de devenir propriétaire d’une orangeraie en Californie.
Notre avis : Valentino appartient à la décennie la plus féconde de Ken Russell, la suivante sera moins réussie et avec moins de succès. Mais en 1977, il reste un cinéaste de l’excès, transformant toute histoire en un rugissement continu et bariolé, se moquant des conventions comme du bon goût. Dès l’ouverture, l’enterrement de la star est une foire d’empoigne, les fans se ruent vers leur idole défunte en détruisant tout sur leur passage pendant que les producteurs comptent profiter financièrement du décès. À la manière d’un Citizen Kane caricatural, les témoins de sa vie vont la raconter : mais là encore l’exagération est de mise ; ainsi de Alla Nazimova, rejouant son évanouissement devant les objectifs, ou de sa traîne immense qu’elle dépose sur le cercueil. Théâtre, toujours le théâtre. Mais un théâtre cabotin qui, loin de révéler la vérité des êtres, ne cesse de les masquer au point qu’on ne sait jamais ce qu’ils pensent vraiment. Le savent-ils eux-mêmes, ces pantins grotesques qui agissent en permanence comme des acteurs du muet ?
Les différentes étapes de la vie de Valentino, danseur mondain, vedette adulée du cinéma puis du music-hall le temps d’une rupture de contrat, ne sont montrées que par longues bribes séparées par d’importantes ellipses. C’est que Russell se moque de la vérité historique : il choisit des moments paroxystiques, les affrontements, les disputes et rejette l’équilibre classique qui imposerait des relâchements. Ça bouge, ça hurle, en un mouvement perpétuel qui n’est que vaine agitation.
Distribution Les Artistes Associés (United Artists) - © Chartoff-Winkler Productions - Aperture Films
Car, si le vrai sujet du film est la virilité (et Valentino passe une grande partie du film à essayer de prouver la sienne sans cesse mise en doute), sa quête est inatteignable. À chaque fois elle est remise en cause, par des techniciens, un mafieux, des journalistes et un public avide de scandales. Il a beau jouer les bravaches, son histoire tumultueuse (la nuit de noces non consommée, mais aussi cette scène hallucinante de simulacre où une actrice le chevauche pendant qu’il reste de marbre) le conduit à d’incessants défis, qui trouvent leur apothéose dans un combat de boxe ridicule. Et s’il gagne ce combat, il faut encore qu’il relève un défi absurde dont il mourra. Absurdité d’un sens de l’honneur dérisoire, comme sont dérisoires les rêves de grandeur de sa partenaire.
Russell excelle dans des situations énormes, comme la séquence de la prison, vulgaire et effrayante, qui fait penser à un cauchemar fellinien, tant il privilégie les trognes et la dimension onirique plutôt qu’un plat réalisme. Alors, autour de Valentino, les personnages ne peuvent être que des caricatures vociférantes, au bord de l’apoplexie, que le cinéaste filme au plus près, voire avec diverses déformations. Ce qu’il décrit, c’est une société du spectacle qui tourne à vide, un festival de couleurs rongé par l’angoisse du vide qui menace : le clinquant et le vulgaire n’y sont plus des oripeaux, mais la révélation d’un monde reposant sur le faux, l’artificiel. Peut-être la star a-t-elle réellement rêvé du réel, son orangeraie ; cependant, en acceptant un tant soit peu d’entrer dans cette ronde macabre, il ne pouvait que s’y perdre.
Suite de séquences grotesques, entre le comique et le tragique dénaturé, Valentino irritera les amateurs d’un cinéma mesuré. Le trait y est épais, la sobriété interdite. Il demeure néanmoins l’exemple passionnant d’une œuvre de la démesure, atypique et puissante.
- © Chartoff-Winkler Productions - Aperture Films
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