Le 21 janvier 2004
Vincent Ravalec flirte avec les frontières du conscient et de la magie. Toutes les vérités sont bonnes à explorer.
Douze livres pour éclairer par la littérature un pan de réalité invisible, le "Jeu", c’est un projet titanesque sur l’intrusion du magique dans le prosaïque, une écriture aux frontières du conscient, pour ouvrir le monde humain à l’infini des possibles.
C’est le printemps. Il est cinq heures de l’après-midi. Vous revenez d’une piscine municipale, exténué, vous êtes allongé sur un divan, le soleil s’infiltre au travers des persiennes. Vous êtes suffisamment fatigué pour ne plus penser au roulement hagard du quotidien. Le soleil continue de tomber, en biais, une lumière rasante qui traverse l’ombre, une féerie de scintillements, de poussières divines, de trajectoires microscopiques. Sans le savoir, vous êtes dans les conditions parfaites pour vivre une expérience mystique, un élargissement de votre champ de conscience. La frontière entre la lumière et les ténèbres est si bien dessinée qu’on pourrait presque la toucher. Le tourbillon de poussière apparaît et disparaît de chaque côté de la frontière du rai de lumière. C’est un monde invisible emboîté dans le nôtre. Un pan d’univers qui se joue de nous. Là, c’est le soleil qui sert de révélateur à tous ces points, toutes ces choses microbiennes. Mais il y a un nombre incalculable de révélateurs et autant de mondes emboîtés. On est à l’intérieur d’une putain de poupée russe. Et l’un des objectifs principaux de Ravalec dans son "Jeu", c’est justement d’éclairer cette structure cosmique.
Dans L’effacement progressif des consignes de sécurité, Louis ingère toutes sortes de drogues. Au fur et à mesure de ses expériences, son spectre de la vision du monde va s’agrandir (ce qui est pour Ravalec l’une des étapes vers la véritable conscience). Dans Wendy², Ravalec simplifie cette expérience, dans la mesure où Wendy n’a pas besoin de révélateur. C’est de la magie à la Tex Avery, elle reçoit la visite de son ange comme si un piano tombait du ciel. Plus tard, elle apprendra qu’elle est la conséquence des actes de son ange (un ange qui, entre autres, partouzait à Venise avec Casanova), et que chacun est la conséquence d’une conséquence d’une conséquence, etc... Le monde pourrait être comparé à un gigantesque programme informatique où tous les éléments sont interdépendants (la toile Internet). Toucher une extrémité de la toile revient à en modifier tout l’écosystème.
Pourtant, dans ce système évolutif que peut être le "Jeu", on se demande pourquoi douze livres. Pourquoi pas vingt-quatre ? Pourquoi pas cent vingt et un livres ? S’il y a tant d’univers et autant de révélateurs d’univers, si l’on n’utilise que dix pour cent de notre cerveau, si tout est dans tout, pourquoi s’arrêter à douze livres ? Si son système de jeu est aussi évolutif que Ravalec veut bien le dire, pourquoi ne pas appliquer ces possibilités au nombre d’ouvrages à paraître ? Parce que notre cerveau est un polygone à douze faces ? Allez savoir ce que contient la boîte crânienne de Ravalec... Douze livres, soit... Sans doute est-ce un problème d’espérance de vie...
Pourtant, Ravalec n’est pas aussi désespéré qu’un Houellebecq ou un Dantec. Ni même qu’un Régis Jauffret dans Univers, Univers, où toutes ces vies, ces destins, finissent systématiquement à la fosse commune, mélangés à l’humus départemental. Ravalec, lui, va voyager, explorer des univers, des mondes, des prairies, et trouver d’autres âmes perdues dans les mêmes niveaux de conscience que lui. Dans Wendy², il cite Peter Pan en introduction : "D’abord j’étais fou tout seul, après, j’étais fou à plusieurs." Et c’est précisément dans ce détail qu’il réintègre UNE réalité. Parce que LA réalité, c’est la loi de la majorité. Mais UNE réalité, c’est simplement ne pas être seul, c’est être au moins deux à voir la même chose au même moment... c’est presque de l’amour... et, bon Dieu, qu’est-ce que c’est rassurant.
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