Le 30 octobre 2021
Cette chronique d’une apprentie comédienne juive sous l’Occupation séduit par son ton juste et sa maîtrise du hors-champ. Le premier long métrage en tant que réalisatrice de Sandrine Kiberlain est une réussite.
- Réalisateur : Sandrine Kiberlain
- Acteurs : André Marcon, Bastien Bouillon, India Hair, Anthony Bajon, Rebecca Marder, Florence Viala, Françoise Widhoff, Ben Attal, Jean Chevalier , Cyril Metzger, Elsa Guedj, Florence Janas
- Genre : Comédie dramatique, Drame historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h38mn
- Date télé : 23 mai 2024 21:10
- Chaîne : France 3
- Date de sortie : 26 janvier 2022
- Festival : Festival de Cannes 2021
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Irène, jeune fille juive, vit l’élan de ses dix-neuf ans à Paris, l’été 1942. Sa famille la regarde découvrir le monde, ses amitiés, son nouvel amour, sa passion du théâtre… Irène veut devenir actrice et ses journées s’enchaînent dans l’insouciance de sa jeunesse.
Critique : Premier long métrage de Sandrine Kiberlain en tant que réalisatrice, Une jeune fille qui va bien a été projeté en séance spéciale de la Semaine de la Critique 2021. Un an plus tôt, celui de sa fille Suzanne Lindon, Seize printemps, obtenait Le label Cannes 2020. Une jeune fille qui va bien est également un portrait d’adolescente, ou plutôt de jeune adulte. L’œuvre est librement inspirée d’histoires de famille de l’actrice, qui s’est par ailleurs projetée sur son personnage. Comme Irène, Sandrine Kiberlain a connu l’exaltation liée à l’apprentissage du métier de comédienne, à un âge de tous les possibles, sur les plans professionnel et personnel, quand une audition devant un jury est perçue comme l’évènement d’une vie, et un rendez-vous avec un garçon assimilé au début d’une passion amoureuse. C’était pourtant un pari risqué que d’avoir choisi pour cadre le Paris de l’Occupation, complexe et douloureux pour notre Histoire, et qui a déjà servi de contexte à de nombreuses fictions du cinéma français, de Monsieur Klein de Joseph Losey à Laissez-passer de Bertrand Tavernier, en passant par Le dernier métro de François Truffaut. Sans valoir ces modèles, Une jeune fille qui va bien est une œuvre attachante, qui évite les deux principaux écueils qui auraient pu la plomber, à savoir le sentimentalisme et la reconstitution maniaque.
- © 2021 Curiosa Films, E.D.I. Films. Photo de Jérôme Prébois. Tous droits réservés.
Le premier piège est contourné par une légèreté ambiante, du moins dans la première partie, Irène menant une vie de famille paisible et heureuse aux côtés de son père (le toujours excellent André Marcon), son frère (Anthony Bajon) et sa grand-mère (Françoise Widhoff). La réalisatrice décrit avec finesse l’harmonie d’une famille à mi-chemin entre l’épanouissement de ses membres et le respect de certaines normes. D’origine juive, ils ne pratiquent pas le culte, mais sont fidèles aux traditions (comme le shabbat) qu’ils se réapproprient, dans une optique culturelle plus que religieuse. À l’ordre social rigide, ils préfèrent le libre arbitre, l’amour de l’art et la fantaisie, même si le père n’a pas d’autres choix que de se soumettre aux injonctions administratives discriminatoires envers sa communauté, ce que regrette sa belle-mère que l’on sent plus rebelle. Filmé hors-champ, l’occupant allemand n’est jamais présent à l’écran, et ce n’est pas seulement en raison d’un budget réduit que Kiberlain ne filme pas les rues de la capitale, avec reconstitution d’époque et moult figurants à l’écran. Ce piège de la narration illustrative est ainsi évité avec un art affirmé de la suggestion, sans montrer réellement le danger collaborationniste et nazi. En même temps, cette démarche est compatible avec la psychologie d’Irène qui, sans être naïve, préfère se cantonner dans un déni qui la rassure et lui permet de vivre pleinement ce qu’elle croit être le moment le plus emblématique de sa jeunesse. Son optimisme et sa vitalité sont parfaitement mis en valeur dans une mise en scène apte à faire d’elle l’axe central de la narration.
- © 2021 Curiosa Films, E.D.I. Films. Photo de Jérôme Prébois. Tous droits réservés.
La réalisatrice tient ainsi à préciser : « Tout devait circuler dans l’appartement, je voulais qu’Irène aille tout le temps vite, la caméra est toujours en mouvement avec elle, en travelling, à l’épaule. Si j’avais pu faire un seul plan-séquence d’Irène de bout en bout, je l’aurais fait volontiers. La caméra ne se pose que quand Irène est avec les adultes, parce qu’un adulte est plus mature, plus... posé ! Mais avec Irène, il fallait faire parler la fougue, cela donnait un élan au film et faisait qu’on avait envie de la suivre ». Bien épaulée par le directeur de la photographie Guillaume Schiffman et le monteur François Gédigier, Kiberlain prouve par ailleurs qu’elle dirige à merveille ses interprètes. Outre les comédiens précités, on peut mentionner Florence Viala en voisine bienveillante mais maladroite, India Hair, la bonne copine à la fois protectrice et fragile, ou Jean Chevalier et Cyril Metzger en amoureux respectivement malchanceux et heureux. Quant à Rebecca Marder, pensionnaire de la Comédie-Française qui incarne Irène, elle fait preuve d’un professionnalisme qui est la marque des plus grands. Si le métrage n’évite pas toujours quelques maladresses dans ses dialogues ou ses mises en abyme (les correspondances entre le théâtre et la vie), il dénote un vrai talent d’écriture et de réalisation. Nous ne pouvons que le recommander.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.