Une longue marche vers l’échafaud
Le 18 juillet 2022
Entre approche politique démonstrative et point de vue romanesque moralisateur, Pierre Schoeller livre une œuvre bicéphale inaboutie, voire creuse.
- Réalisateur : Pierre Schoeller
- Acteurs : Olivier Gourmet, Denis Lavant, Louis Garrel, Gaspard Ulliel, Adèle Haenel, Johan Libéreau, Noémie Lvovsky, Céline Sallette, Laurent Lafitte, Izïa Higelin
- Genre : Historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Universal - StudioCanal
- Durée : 2h01mn
- Date télé : 18 juillet 2022 21:10
- Chaîne : France 3
- Date de sortie : 26 septembre 2018
Résumé : En 1789, un peuple est entré en révolution. Écoutons-le. Il a des choses à nous dire. UN PEUPLE ET SON ROI croise les destins d’hommes et de femmes du peuple, et de figures historiques. Leur lieu de rencontre est la toute jeune Assemblée nationale. Au cœur de l’histoire, il y a le sort du roi et le surgissement de la République…
Critique : C’est littéralement à la façon d’un Christ descendu de sa croix que nous est ici introduit Basile, ce héros incarné par Gaspard Ulliel. Nous avions, avant ça, pu l’apercevoir dans deux ou trois courtes saynètes purement illustratives, en pleine communion avec la nature, qui nous laissaient déjà présager de sa fonction d’icône salvatrice. Mais alors, que vient sauver cet homme dont on n’apprendra jamais plus que son prénom ? La réponse est à aller chercher dans les scènes qui précèdent, et en particulier la prise de la Bastille et l’irruption d’un groupe de femmes révolutionnaires à l’Assemblée Nationale.
- Photo Jérôme Prébois Copyright StudioCanal
Dans la reconstitution de ces deux évènements, il apparaît très vite que Pierre Schoeller se montre terriblement frileux à l’idée de romancer les faits historiques. Son intention est davantage de placer dans une imagerie picturale de dialogues très suggestifs et, plus encore si cela lui est possible, les grands discours marquants qui ont marqué la chute de la monarchie. De fait, il n’en faut pas plus que quelques minutes pour saisir que l’on est face à un film ouvertement déclamatoire, qui va se composer d’une succession de tableaux illustrant, l’un après l’autre, les dates clefs des quatre premières années de la Révolution française, que l’on regarderait comme on tournerait les pages d’un livre d’Histoire.
- Copyright StudioCanal
Si la dramaturgie parvient toutefois à devenir plus fluide, c’est donc grâce à l’introduction au cœur de cette reconstitution historique de ce fameux Basile, et à son histoire d’amour qui vient rendre un peu plus fantasmatique cette réalisation didactique. Le couple qu’il forme avec Françoise, le personnage d’Adèle Haenel, ne fait pas qu’apporter au film une touche glamour, elle permet surtout de créer des figures auxquelles les spectateurs peuvent confortablement s’identifier pour suivre les évènements de l’intérieur. Il est également bon de préciser que, alors que le personnage masculin est historiquement anecdotique, sa compagne est une militante influente et permet alors au film de s’offrir un discours féministe qui se veut gracieusement contemporain.
- spip-bandeau
Mais, puisque la démonstration de Pierre Schoeller semble être que l’Histoire ne s’écrit pas que dans la rue, il prend soin à mettre en parallèle à ces quelques hérauts du peuple, les débats virulents qui se jouent entre leurs représentants à l’Assemblée, puis à la Convention nationale. Des discours politiques de fond, certes moins cinégéniques – car filmés de façon plan-plan – que les émeutes qui se déroulent à l’extérieur, mais qui offrent pourtant quelques-unes des pistes idéologiques les plus intéressantes à suivre de cette reconstitution. Une troisième ligne narrative, bien plus illustrative, est assurée par cet autre rôle-titre qu’est Louis XVI. C’est d’ailleurs le roi qui offre au scénario, dans une improbable scène onirique, sa seule transgression au parti pris qui limite la représentation des figures politiques importantes de l’époque aux seuls faits historiques avérés.
- Copyright StudioCanal
Ce refus radical de s’approprier les personnages historiques pour en faire des personnages de fiction a pour premier résultat une certaine difficulté à les introduire dans le récit puis à leur donner une caractérisation identifiable. Ainsi, au-delà de la figure monolithique que Laurent Lafitte offre au monarque, les deux principaux orateurs, aux yeux de Schoeller, que sont Marat et Robespierre, apparaissent comme deux individus caricaturaux, soit respectivement l’agitateur et le sage du clan républicain. On notera au passage que, contrairement à la fresque La Révolution française tant prisée par les profs d’Histoire et accusée par certains d’être « pro-Danton », ici celui qui était en 1792 ministre de la Justice n’apparait chez Schoeller que comme un député parmi tant d’autres. On est donc bien loin de la représentation héroïque que lui offrait Andrzej Wajda en 1983 dans Danton...
- Photo Jérôme Prébois Copyright StudioCanal
Plus le film s’approche de sa conclusion, et plus on en vient à se dire que son auteur aurait gagné à le scinder en deux. Aurait-il eu l’idée de mêler en un seul ses deux longs-métrages Versailles et L’exercice de l’Etat au prétexte qu’ils se déroulent à la même époque ? Certainement pas. Et c’est pourtant ce qu’il a fait avec ce Le Peuple et son Roi qui voit se croiser, au cœur d’un montage elliptique et pas toujours très subtil (ce parallèle final entre le procès du roi et un cours de soufflage du verre est même assez grossier), deux approches radicalement opposées de la Révolution française. Un résultat bicéphale qui donne, tant à la sous-intrigue romanesque qu’à la sous-intrigue parlementaire, un arrière-goût d’ébauche.
- Affiche Laurent Lufroy - photo : Jérôme Prébois - Copyright StudioCanal
- Affiche Laurent Lufroy - photo : Jérôme Prébois - Copyright StudioCanal
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antiope75 7 octobre 2018
Un peuple et son roi - la critique du film
Je vous conseille vivement ce film dans lequel on apprend beaucoup de choses, notamment, le rôle qu’a pu jouer le peuple de Paris dans la réussite de la révolution. Les gens avaient une conscience politique et c’est un peu émouvant de se dire nous devons notre liberté actuelle à ces lointains ancêtres : maître verrier, lavandière, voleur repenti...
nani 29 mars 2019
Un peuple et son roi - la critique du film
cet article est bien abscons. je dirais plus simplement que ce film est fortement
recommandable, malgré ses défauts , surtout à des jeunes qui souhaitent connaître notre histoire
. Le" spectacle " de la mort du roi, n’avait jamais été filmé de cette façon et montre la
versatilité du peuple qui a toujours au début des émeutes montré une grande vénération de son
roi , mais mené par des excités violents comme
Marat , St Just ( appellé l’ange de la terreur ) et bien d’autresl a conduit à des extrêmismes
regrettables . Dommage que ce film ait fait peu d’entrées , faute d’argent cela m’étonnerait que
Pierre Schoeller, nous montre la 2ème phase de la Révolution, sanglante et terroriste .