Le 19 octobre 2014
Comment transformer un fait divers et de ses conséquences en film haletant, que l’on soit ou non familier de l’affaire Erignac.
- Réalisateur : Pierre Schoeller
- Acteurs : Olivier Gourmet, Mathieu Amalric, Aurélia Petit, Karole Rocher, Michel Albertini
- Genre : Téléfilm, Politique
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse
- Durée : 2h04mn
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– Sortie DVD : le 24 octobre 2014
Comment transformer un fait divers et de ses conséquences en film haletant, que l’on soit ou non familier de l’affaire Erignac.
L’argument : Claude Erignac le préfet de la Région Corse, est abattu le 6 février 1998 en pleine rue à Ajaccio. C’est un séisme. Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, on n’avait frappé un si haut représentant de l’État. Après un an d’anquête, s’ensuit l’arrestation du commando présumé. Quatre-vingt-seize heures de garde à vue au sein de l’antiterrorisme. Peu à peu un nom revient : celui d’Yvan Colonna. A crime d’exception, justice d’exception.
Notre avis : Après L’Exercice de l’état, l’un des rares films politiques français réussis, on attendait beaucoup de Pierre Schoeller. Il revient dans un cadre télévisuel, exécutant une commande de Canal + dans sa série « Création originale ». Le thème ne déçoit pas : s’attaquer à une affaire aussi sensible et aussi forte que le meurtre du préfet Erignac relève du tour de force, tant les tensions ont été exacerbées, en Corse comme sur le « Continent ». C’est évidemment l’angle d’attaque qui fait ou non la réussite du film : comment rendre cinématographique une histoire comportant finalement peu d’événements sans sacrifier l’exactitude, sans la rendre spectaculaire ? On sait les Américains doués pour cette gageure, et les Français frileux.
Sans que cela soit a priori un défaut, Schoeller suit trois pistes, dont une avortée : le début s’annonce comme un film personnel, avec le journal du préfet et le meurtre. Disons-le, cette piste ne dure que peu mais elle est remarquablement tenue : exécution froide, paroles de témoins, main posée sur Mme Erignac dans la salle de concert, quelques rapides séquences suffisent. Pierre Schoeller trouve la bonne distance, sans pathos, sans insistance, faisant preuve d’une émotion contenue et d’autant plus poignante. La musique symphonique magnifie ce début, qui semble annoncer une focalisation sur la victime et sa femme. C’est alors que la deuxième piste s’ouvre : nous assistons à une longue série d’interrogatoires : 96 heures de garde à vue sont ici résumées en plans serrés, étouffants. Le montage alterné organise un réseau dense de paroles, celles des Corses impliqués et celles des policiers, que quelques flash-back n’aèrent pas, eux aussi étant en huis-clos. Il faut ici saluer le talent des acteurs qui portent littéralement ces plans sans concessions. Un bémol tout de même : Mathieu Amalric, que par ailleurs nous admirons souvent, peut tenir de nombreux rôles, mais son accent corse est épouvantable. Même les flash-back que nous évoquions sont admirables par l’impression d’étouffement et de tension qu’ils génèrent. Ils permettent de saisir dans leur complexité les débats qui agitent les indépendantistes, entre « soumission » et radicalité. Là encore, le spectateur ne souffle pas, et il en est ravi. D’autant que Pierre Schoeller évite tout effet carte postale, laissant la beauté de la Corse hors-champ jusqu’aux ultimes images, mais elles seront alors la matérialisation d’une nostalgie.
S’ouvre ensuite la troisième partie qui va jusqu’en 2007. Plus éclatée, elle multiplie les lieux, les personnages et les époques. Même si elle conserve une certaine force (témoin surtout la confrontation de Colonna et Ferrandi), l’éparpillement nuit à la tension. Quelques beaux plans fixes, une attention aux gestes, ne suffisent plus à rendre le récit haletant. Peut-être y avait-il nécessité scénaristique à relâcher la pression. On regrette toutefois cet empilement de courtes scènes.
Schoeller a choisi de respecter les faits, se gardant de juger ou de trancher. C’est la force du film. Les connaisseurs de l’affaire noteront des oublis, mais il nous semble qu’il y a là un essai de reconstitution rare dans la fiction française et dont le pari est tenu pendant environ une heure et demie. C’est déjà énorme.
Le DVD
Les suppléments :
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Désert absolu. Il y avait pourtant matière à mettre le film en perspective, à évoquer les difficultés du tournage, les problèmes du scénario.
Image et son :
Si l’on met à part, évidemment, les images d’archives, le rendu est soigné, la définition impeccable. La seule piste stéréo rend compte des nuances si essentielles dans un tel film d’acteurs. Il faut souligner la remarquable présence de la musique.
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