Le 16 décembre 2023
L’un des grands films de Jean-Claude Brisseau, au scénario nihiliste et à la mise en scène ascétique. L’étoile filante Emmanuelle Debever y est prodigieuse.
- Réalisateur : Jean-Claude Brisseau
- Acteurs : Bruno Cremer, Lisa Hérédia, Lucien Plazanet, Liliane Gaudet, Emmanuelle Debever, Humbert Balsan , Albert Pigot
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : AAA Distribution (Acteurs Auteurs Associés)
- Durée : 1h30mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 28 septembre 1983
- Festival : Festival de Cannes 1983
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Résumé : Un célèbre biologiste perturbé commet plusieurs meurtres de fillettes, en essayant inconsciemment de sauver sa fille infirme.
Critique : Troisième long métrage de Jean-Claude Brisseau réalisé pour le cinéma, Un jeu brutal apparaît rétrospectivement comme l’un de ses meilleurs films. L’œuvre fut présentée en 1983 dans la section Perspectives du cinéma français du Festival de Cannes, proposée par la SRF. Sa sortie en salle quelques mois plus tard généra peu d’entrées, sans doute en raison de la noirceur du sujet, malgré un accueil favorable d’une partie de la presse dont Les Cahiers du Cinéma qui classeront le film dans leur top 10 annuel. Quelque part entre le surréalisme du Buñuel de Tristana et l’ascèse du Bresson de Mouchette, l’œuvre est un objet cinématographique inclassable. Elle peut toutefois être reliée aux opus postérieurs du cinéaste, la fragilité de la protagoniste adolescente annonçant le mal-être des personnages incarnés par François Négret dans De bruit et de fureur (1988) ou Vanessa Paradis dans Noce blanche (1989, unique succès commercial du réalisateur). Et ce d’autant plus que la figure masculine adulte est incarnée dans les trois films par Bruno Cremer, acteur fidèle du cinéaste. Récit décalé des relations d’autorité entre un père scientifique déviant et sa fille handicapée agressive, puis histoire d’une transformation, le scénario (écrit par Brisseau lui-même) dispose d’éléments dont on peut penser qu’ils seraient peu envisageables aujourd’hui, où semble régner un certain retour à l’ordre moral, au nom du politiquement correct. Ici, le spectateur assistera au meurtre d’enfants et d’adolescents pour d’obscures raisons, avant de vite comprendre que l’auteur est un scientifique réputé. Ce dernier voit sa vieille mère mourir et cela ne lui procure aucune émotion, un corps en putréfaction ne lui permettant pas de perdre son temps pour assister à une cérémonie d’obsèques. Il s’engage toutefois à revoir sa fille et s’occuper d’elle : il s’agit d’une sauvageonne qui a perdu l’usage de ses jambes et témoigne de cruauté, notamment envers les animaux. Un combat de Titans s’engage entre ces deux-là, à l’instar des univers aussi différents que Vipère au poing ou Vol au-dessus d’un nid de coucou... On le comprend : le film n’est pas de tout repos, en dépit du refus de jouer la carte de la narration efficace et des pirouettes scénaristiques. Peu confortable et d’une sécheresse radicale, Un jeu brutal frappe par sa philosophie nihiliste mêlée d’espérance, surtout quand la demoiselle s’adoucit au contact d’une institutrice bienveillante (Lisa Hérédia), d’un vieux domestique fidèle (Lucien Plazanet) et surtout d’un beau jeune homme (Albert Pigot) qui la sauve de la noyade. Le cinéaste parvient à créer une atmosphère troublante, dans le cadre d’une mise en scène privilégiant la rigueur. Et comme l’avait souligné Danièle Parra dans La Revue du Cinéma : « Il sait nous plonger d’emblée au cœur de sa fiction en se servant des paysages, de la lumière, d’un mélange de séduction et de terreur » (La saison cinématographique 1984). Un jeu brutal prend en tout cas de troublantes résonances quarante ans après sa sortie. Jean-Claude Brisseau est décédé en 2019, après avoir été ostracisé par une partie de la profession du fait de sa condamnation pour harcèlement et agression sexuels. Quant à Emmanuelle Debever, l’actrice principale, elle s’est suicidée en décembre 2023, en se jetant dans la Seine, quelques années après avoir accusé Gérard Depardieu d’avoir eu un comportement plus qu’inapproprié pendant le tournage du Danton (1983) de Wajda... Quoi qu’il en soit, Un jeu brutal est un sommet du cinéma français d’auteur, à (re) découvrir absolument.
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