Le 26 juillet 2022
Un voyage original et respectueux dans l’intimité contrariée de la sexualité féminine. Denis Côté offre un film résolument engagé en faveur d’une émancipation féminine assumée.


- Réalisateur : Denis Côté
- Acteurs : Samir Guesmi, Anne Ratte-Polle, Larissa Corriveau, Aude Mathieu, Laure Giappiconi
- Genre : Drame
- Nationalité : Canadien
- Distributeur : Shellac
- Durée : 2h17mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 27 juillet 2022
- Festival : Festival de Berlin 2022, Festival de La Rochelle 2022

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Résumé : Invitées en maison de repos pour explorer leurs malaises sexuels, trois jeunes femmes occupent les jours et les nuits à apprivoiser les démons intimes. Sous la supervision tranquille d’une thérapeute allemande et d’un travailleur social bienveillant, le groupe tente de garder un équilibre fragile. Pour la jeune Geisha, la sombre Léonie et l’imprévisible Eugénie, il s’agit pour 26 jours d’éviter les cris, d’apprivoiser les chuchotements du temps présent et de considérer l’avenir.
Critique : Elles sont quelques femmes, réunies dans une demeure au milieu de la campagne, en plein été. Elles ne sont pas là pour les vacances. Elles vont vivre ensemble pendant plus de vingt-six jours, aux côtés d’une thérapeute et d’un éducateur spécialisé, pour apprendre à dompter leur rapport complexe à la sexualité et à l’amour. Les règles de vie sont simples, sinon qu’elles doivent pouvoir appréhender les démons intérieurs qui les rongent. Elles n’ont d’autres buts au cours de ce séjour que de trouver des solutions à leur souffrance somatique et psychologique.
- Copyright Lou Scamble / Metafilms
Un été comme ça s’inscrit dans la tradition des films sociaux où des patients sont suivis dans leur longue lutte contre les addictions. L’originalité du long-métrage demeure le fait que le réalisateur centre son récit autour de personnages féminins. On sait que depuis longtemps, à travers de nombreuses sociétés du monde, les femmes ont été interdites de sexualité et réduites à leur seule fonction maternelle. Le seul homme qui a sa place dans cette histoire est un travailleur social. Il est pris à parti dans ce jeu incessant d’attirance et de désirs où les patientes donnent à voir l’animalité de leur sexualité et l’insatiabilité du désir. La photographie est très simple. La caméra refuse les effets de style trop envahissants. La langage compte par dessus tout. On écoute beaucoup ces femmes, comme si le film devait hésiter en permanence entre le documentaire et la fiction.
- Copyright Lou Scamble / Metafilms
Denis Côté explore le cinéma depuis très longtemps. Ce quatorzième long-métrage prend le risque d’un récit finalement moins cinématographique que clinique. L’enjeu essentiel est de mettre en scène ce que nombre de femmes doivent taire dans le secret de leur couple ou de leur vie de famille. Les visages sont fixés longuement, dans des plans fixes où les patientes déroulent le traumatisme de leur existence. Les comédiennes ne semblent presque plus des actrices, mais des femmes qui auraient succombé aux tourments d’une sexualité complexe. En même temps, Denis Côté se demande si des hommes auraient trouvé nécessaire de se réunir dans ce qui ressemble à une clinique pour traiter le rapport particulier qu’ils ont avec leur propre sexualité, a fortiori quand elle est excessive. Car finalement, nous sommes tous concernés par une sexualité prétendument anormale. En ce sens, Un été comme ça constitue un récit assez universel qui interroge les relations entre sexualité, désir et normalité sociale. Le cinéaste montre sans montrer les ravages d’une sexualité hyperbolique ou empêchée, tout en scrutant la réaction des hommes qui se posent moins de questions et ne sont pas loin de l’abus.
- Copyright Lou Scamble / Metafilms
Le défaut majeur du film reste la longueur. Si on se laisse agréablement porter par cette thérapie champêtre, les actrices en font sans doute trop dans l’expression malheureuse de leur personnage. L’esthétique parfois vaporeuse, les flous de la caméra, et le montage font penser à une œuvre de Pialat. Les mots se mélangent, les états d’âme s’expriment, les sons parfois s’écrasent, et l’on ressort de ce drôle de récit profondément changé dans ce qu’on croyait connaître de la sexualité féminine.