Cette femme-là
Le 13 avril 2022
Le dernier Nicole Garcia renoue avec les thèmes fétiches de la cinéaste, mais rejoint immanquablement cette catégorie de "films d’auteur français" manquant de passion et d’étincelles. Dommage pour Dujardin.
- Réalisateur : Nicole Garcia
- Acteurs : Michel Aumont, Sandrine Kiberlain, Marie-Josée Croze, Jean Dujardin, Claudia Cardinale, Toni Servillo
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : EuropaCorp Distribution
- Durée : 1h45mn
- VOD : Netflix
- Date télé : 13 avril 2023 21:45
- Chaîne : OCC Max
- Date de sortie : 15 décembre 2010
Résumé : Dans le sud de la France, Marc, marié et père de famille, mène une vie confortable d’agent immobilier. Au hasard d’une vente, il rencontre une femme au charme envoûtant dont le visage lui est familier. Il pense reconnaître Cathy, l’amour de ses douze ans dans une Algérie violente, à la fin de la guerre d’indépendance. Après une nuit d’amour, la jeune femme disparaît. Au fil des jours un doute s’empare de Marc : qui est vraiment celle qui prétend s’appeler Cathy ? Une enquête commence.
- © 2010 Trésor Films. Tous droits réservés.
Critique : Femme actrice et réalisatrice passionnée par l’engeance masculine, Nicole Garcia pourrait adopter le credo suivant : "Regarder les hommes tomber... puis se relever (parfois)". La cinéaste n’aime rien tant que scruter les richesses et les fêlures de ses personnages, dont la vie pleine de fausses assurances est toujours près de basculer. Adapté d’un scénario original de Jacques Fieschi, son complice de longue date (mais aussi celui d’Anne Fontaine et de Claude Sautet), Un balcon sur la mer emprunte donc à cette lignée de "films d’hommes" de Nicole Garcia, à laquelle on pourrait ajouter Le fils préféré, L’adversaire et le récent Selon Charlie. Délaissant la structure éclatée de son œuvre précédente, le long-métrage se resserre sur un personnage central, Marc, et sur son rapport (contrarié) aux souvenirs : ceux, parcellaires, de son enfance en Algérie, durant les guerres de libération. La valse de la mémoire, parfois trompeuse, nourrit une histoire d’amour et de secrets naviguant entre passé et présent, que Nicole Garcia a qualifiée de "thriller des sentiments". On voit bien ce que le sujet a de potentiellement passionnant, à la fois pour le portrait psychologique de son héros, pour l’atmosphère semi-hitchcockienne qu’elle promet (entre Vertigo et Dans ses yeux) et pour la réflexion historique qu’elle pourrait engager (une mémoire "oubliée" de la France colonisatrice). Fieschi saupoudre même le tout d’une référence savante à Iphigénie de Racine, leitmotiv symbolique illustrant (et annonçant) cette mise en scène de la tromperie, ce dédoublement de la femme aimée que le film va opérer.
Et pourtant, malgré une image soignée et un décor agréablement dépaysant pour ce genre de drames (la Côte d’Azur, celle des galinettes, du soleil aveuglant et des accents chantants), Un balcon sur la mer manquera à la fois de la tension et de la passion nécessaires pour susciter autre chose qu’un intérêt relatif - voire, imperceptiblement, un ennui poli. La mise en scène sans invention et les canevas éculés du scénario achèvent de tuer dans l’œuf les tentatives, pourtant méritoires, de romanesque balbutiant. La faute à un récit semé de "révélations", qu’on voit pourtant venir une bonne demi-heure à l’avance : par manque de finesse peut-être, par manque de mystère assurément, Nicole Garcia échoue à préparer ses coups. La greffe entre histoire d’amour empêchée par le doute et magouilles financières est plutôt boiteuse, au-delà de son caractère inédit : les agences immobilières, leurs tractations, leurs succès et leurs arnaques sont des aspects de société que le cinéma dramatique français a rarement traité avec autant de précision (mais il ne contribue guère, on peut bien le dire, à éveiller les passions).
Reste alors le versant "algérien" du film, propre à donner un peu de profondeur à un produit handicapé par ses grosses ficelles et son air de déjà-vu. La reconstitution d’Oran sous les bombes, entre militaires perchés sur les toits et gentils métropolitains favorables à la libération du pays, est un peu pâlotte, mais elle donne naissance à quelques scènes de l’enfance qui ne manquent pas de charme, notamment grâce à de jeunes acteurs craquants et plutôt justes. Au fur et à mesure que "la vérité se fait" dans le présent de Marc, ces réminiscences se feront de plus en plus nombreuses et cruciales, jusqu’à l’immanquable "retour au pays" où le personnage aura à charge de retrouver une part de son identité, hier enfouie au fond de lui-même. La cinéaste esquive ainsi les données politiques et sulfureuses de son contexte historique (surtout au regard des polémiques dernièrement suscitées par Hors-la-loi), préférant le rapporter au cheminement psychologique de son héros - un choix louable, compréhensible, mais qui en désamorce aussi toutes les forces potentielles.
- © 2010 Trésor Films. Tous droits réservés.
Les atouts (et la consolation) d’un "film d’auteur" de cette facture (comprenez : pas déshonorant, mais pas inoubliable non plus), ce sont souvent les acteurs. La curiosité entourant ce Balcon sur la mer doit évidemment beaucoup à la présence de Jean Dujardin, qui poursuit son ascension de comédien dramatique après les succès du Bruit des glaçons et des Petits Mouchoirs. Même si son personnage de père de famille aux certitudes chamboulées manque singulièrement de profondeur, Dujardin assure sur tous les plans et ne déçoit pas. Encore un peu lisse, il lui manque peut-être un brin d’ambiguïté, pour traduire les meurtrissures intérieures de son personnage avec le même talent qu’un Daniel Auteuil (L’adversaire) ou un Vincent Lindon (Selon Charlie) ; mais il demeure suffisamment convaincant pour porter l’intégralité du film sur ses épaules (baraquées). Autre bon point du casting, le surprenant Toni Servillo (oui oui, l’acteur fétiche de Paolo Sorrentino, vu notamment dans Les conséquences de l’amour et Il divo) imprime sans peine l’onctuosité et l’ambiguïté requises à son rôle à double fond. Le reste de la distribution, sans failles particulières (mais aussi sans génie), reste désespérément cantonné dans les bornes que le film lui assigne (et que tant d’autres, avant lui, lui avait déjà assignés) : Michel Aumont en beau papa débonnaire, Sandrine Kiberlain dans un rôle d’épouse complètement sacrifié, sans oublier une Marie Josée-Croze coincée dans ce registre de "femme fatale" persécutée et vaguement mystérieuse, qu’on ne cesse de lui coller dessus depuis cinq ou six ans. C’est dire si Un balcon sur la mer, malgré un dernier quart d’heure pas mal troussé, n’a pas grand-chose pour se démarquer dans les mémoires.
- © 2010 Trésor Films. Tous droits réservés.
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Norman06 21 décembre 2010
Un balcon sur la mer - la critique
Comme à son habitude, la mise en scène de Nicole Garcia est d’une belle limpidité, toute de sobriété et d’élégance. Le récit, émouvant, n’échappe pas à des maladresses mais l’ensemble emporte l’adhésion, malgré les limites du jeu de Jean Dujardin, et le sous-emploi de Sandrine Kiberlain dont on aurait bien vu le rôle inversé avec celui de Marie-Josée Croze.
nicou 16 avril 2022
Un balcon sur la mer - la critique
J ai adoré, J aime beaucoup ce que fait Nicole Garcia, un Jean Dujardin criant de vérité dans ses tourments. Je suis un peu plus triste pour sa vie de famille. Rien de plus triste qu’ un mari hanté par une autre.