Amants - Nicole Garcia - critique

Critique : Nicole Garcia a un talent véritable pour mettre en scène un monde bourgeois et troublant, où la question de l’argent se mêle subtilement à la dimension sentimentale. Amants ne coupe pas à cette tradition cinématographique de l’œuvre de la comédienne réalisatrice. Elle centre sa caméra sur Lisa, une jeune femme issue d’un milieu social modeste de la proche banlieue parisienne, écartelée entre son amour pour un jeune homme fuyant et séduisant, et un homme riche qui lui permet d’accéder à un niveau de vie qu’elle n’a jamais connu. En quelque sorte, ce film constitue une véritable mise en abîme sur la manipulation et la domination de la femme. Lisa est une victime au sens strict de la puissance de deux hommes, l’un qui la retient à elle avec son argent, l’autre avec son charme et sa désinvolture. Dans les deux cas, l’héroïne est confrontée à un choix presque cornélien où, peut-être, seule la mort serait susceptible de lui ouvrir des perspectives. Elle ne parvient pas à choisir entre ses deux manipulateurs, offrant alors aux spectateurs la densité d’une tragédie sentimentale.

© Roger Arpajou 2021 Les Films Pelléas. Tous droits réservés.

Or, Nicole Garcia introduit dans ce récit une trame policière. C’est là que le scénario se perd dans des invraisemblances qui font perdre à la narration sa puissance tragique. En effet, la première partie se passe à Paris où un accident monstrueux oblige les deux amoureux, Lisa et Simon, à fuir à travers le monde. Cet accroc que le destin leur met sur la route est l’occasion pour la réalisatrice de dérouler un quasi-thriller où la mort rode secrètement. Mais la cinéaste n’est pas totalement à l’aise dans le genre. Elle ne parvient pas à dissiper les fautes de goût ou les situations cousues de fil blanc qui semblent totalement en décalage avec la réalité juridique et sociale. On comprend que le projet de Nicole Garcia n’est en aucun cas de construire une œuvre noire réaliste. Pour autant, on attend toujours d’un film qui se donne des ambitions policières un peu de cohérence et de vraisemblance dans le déroulement des scènes.

© Roger Arpajou 2021 Les Films Pelléas. Tous droits réservés.

L’intérêt évident du long-métrage demeure le trio incarné par trois comédiens impressionnants : Pierre Niney confirme à chaque fois son talent d’acteur, Benoît Magimel n’a plus besoin de faire les preuves de la force de son jeu, et Stacy Martin s’affirme comme une actrice de choix dans ce récit. Ils crèvent tous les trois l’écran, dans des scènes d’un romantisme ardent où la lumière, les décors et la musique rajoutent à leur implication. Ils s’investissent dans ce face-à-face troublant avec une tonalité tragique qui ne penche jamais dans les excès. L’écriture est suffisamment subtile pour donner une connotation à ces trois êtres à la fois et fragile et monstrueuse. Les comédiens portent ainsi le film avec aisance et majesté, là où le récit pourrait décourager le spectateur dans ces allers-retours sentimentaux alambiqués.
Nous ne sommes pas là devant le film de l’année mais Amants nous emporte avec un certain brio dans la psychologie malheureuse de deux hommes, puissamment manipulateurs, torturés par le désir d’une jeune femme. Il y a même dans ce récit l’incarnation d’un espoir par lequel les femmes trouvent toujours la force pour se s’extraire du pire et recouvrer leur dignité.