Trouble

Atmosphère contre scénario. Un film fantastique français digne d’éloges.

L’argument : Une femme, un enfant, bientôt deux. Matyas, orphelin et jeune père de famille, mène la vie dont il a été privé. A l’occasion d’une convocation chez un notaire pour une succession, il apprend l’existence de sa mère... et d’un frère jumeau, Thomas. Dès lors Thomas n’aura de cesse de rattraper le temps perdu, tandis que Matyas, qui s’est découvert un autre lui-même, va tenter de reconstruire le puzzle de son enfance. Plus il fait la lumière sur son passé, plus son futur s’assombrit... Finalement, le jour où Matyas s’est retrouvé, il s’est peut-être perdu.

Notre avis : Sur le papier, l’histoire rappelle beaucoup Gemini (Shinya Tsukamoto, 1999), film dans lequel un homme prépare une vengeance froide à son frère jumeau. A la fin du film, on comprenait par une réunion des thèmes musicaux au départ distincts qu’ils ne faisaient plus qu’un, comme si le yin et le yang avaient fusionné. Trouble, long-métrage de Harry Cleven, s’en rapproche même s’il développe d’autres idées aussi intéressantes. En effet, comme Pascal Laugier l’an passé avec le mésestimé Saint-Ange, ce film français ose s’intéresser au genre fantastique en allant jusqu’au bout de ses ambitions. Ce simple courage suffit à rendre son réalisateur immensément sympathique.
En confrontant deux personnages qui apparemment ne se connaissent pas ; en zigzaguant entre les révélations ; en puisant l’étrangeté dans les petits secrets de tous ses personnages, Cleven réussit à entretenir le suspens et à livrer un étonnant jeu de pistes. Réminiscences assassines qui écrabouillent la raison ? Schizophrénie ? Paranoïa ? Manipulation ? Le récit hoquette, louvoie, furète, musarde et applique sagement les recettes de papa Polanski période Le locataire. La résolution finale (très discutable) est moins intéressante que le cheminement intérieur du personnage principal qui doit à la fois percer dans ses souvenirs et prendre soin de sa famille.
Blond comme un personnage du Village des damnés, Benoît Magimel manie sobrement le doute et l’ambiguïté et incarne ce double-rôle sans faiblir. Certains rebondissements sont plus inattendus que d’autres et Cleven joue consciemment sur certains archétypes du genre (la femme de Thomas, personnage trop hitchcockien pour être digeste). Avec son schéma binaire aux connotations sociales trop martelées, le script s’amuse sans doute un peu trop avec les lois de la vraisemblance et n’évite pas toujours les débordements grand-guignolesques. Réserves mineures qui ne gâchent que partiellement cet honorable drame fantastique qui instaure un climat inquiétant et hante longtemps l’esprit après la projection...

Le DVD


Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Trois bonus se battent en duel pour nous expliquer comment Magimel (très impliqué apparemment) s’est dédoublé pour les besoins du film. Un making of de quarante minutes, très bien construit, dévoile les secrets de fabrication grâce aux explications du réalisateur, du producteur, des acteurs et du responsable des effets spéciaux (Krao). Peu de langue de bois et une vraie sincérité autour d’un projet pas évident. Deux petits modules de cinq minutes reviennent par ailleurs sur les trucages de la gémélité et sur la bagarre finale.

Image & son : Très belle définition qui intègre impeccablement les effets numériques. Les deux Magimel sur un même plan bénéficient de la même netteté. L’image glacée en outre propose un très beau piqué. Les deux pistes sonores (DD 5.1 et DTS 5.1) donne la part belle à l’ambiance peut-être un peu trop au détriment des dialogues.