Le 27 décembre 2018
Une comédie grinçante, meilleure œuvre d’un auteur italien méconnu, et qui doit beaucoup au talent de la lumineuse Alba Rohrwacher.
- Réalisateur : Gianni Zanasi
- Acteurs : Elio Germano, Giuseppe Battiston, Alba Rohrwacher, Hadas Yaron, Carlotta Natoli
- Genre : Comédie
- Nationalité : Italien
- Distributeur : KMBO
- Durée : 1h50mn
- Date de sortie : 26 décembre 2018
- Festival : Festival de Cannes 2018, Quinzaine des Réalisateurs 2018
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Résumé : Lucia, mère célibataire, bataille pour trouver un juste équilibre entre sa fille adolescente, une histoire d’amour compliquée et sa carrière de géomètre. Son avenir professionnel se voit compromis lorsqu’elle réalise que la future construction d’un bâtiment ambitieux s’avère être dangereuse pour l’environnement en raison des cartes topographiques inexactes du conseil municipal. Lucia est tiraillée mais par peur de perdre son travail, elle décide de garder le silence sur cette découverte. Une mystérieuse étrangère essaye alors de convaincre Lucia de tenir tête à ses supérieurs et recommande la construction d’une église sur le site du chantier problématique. Lucia, qui croit aux miracles, va rapidement être mise à l’épreuve.
Critique : Auteur des comédies désenchantées A Domani et Ciao Stefano, Gianni Zanasi n’a à ce jour connu ni l’estime critique d’un Nanni Moretti ni le succès commercial de Paolo Virzi (Folles de joie). Primé à la Quinzaine des Réalisateurs, Troppa Grazia est sans doute son meilleur film, même si un sentiment d’inachevé pourra être perçu par le spectateur. L’intérêt du métrage est de distiller une atmosphère d’étrangeté d’une tonalité buñuelienne, sans que l’on sache si les apparitions auxquelles est confrontée Lucia relèvent d’une pathologie mentale ou s’inscrivent dans le cadre d’une tournure fantastique ou religieuse du récit. Bien entendu, les intentions politiques sont également manifestes, et le réalisateur n’hésite pas à dénoncer la corruption immobilière qui règne en Italie, les intérêts lucratifs primant, comme dans de nombreux pays, sur le bien commun et les contraintes environnementales. Gianni Zanasi ne s’attarde pourtant pas trop sur cette dimension, préférant se concentrer sur les problèmes de Lucia plutôt que de glisser vers la farce corrosive tendance Sorrentino ou l’analyse sociopolitique dans la veine d’un Francesco Rosi.
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Le personnage même de Lucia est d’ailleurs introduit comme extérieur au combat citoyen. Loin de la fibre militante de l’héroïne de Woman at War, la jeune femme est plutôt présentée comme individualiste, pointant du doigt les dangers de constructions par conscience professionnelle mais renonçant à jouer les lanceuses d’alerte au nom de sa réussite personnelle. Jusqu’au jour où la rencontre avec la Vierge vient chambouler ses certitudes et sa façon d’agir et de sentir. « La Madone du film n’est pas celle de la Bible, c’est simplement la Madone de Lucia. Une incarnation schizophrénique de la capacité à croire, typique de l’enfance, que Lucia a mise de côté depuis si longtemps. Alors qu’elle est bouleversée, Lucia retrouve cette capacité, qui lui permet de préserver ce qu’il y a de vivant en elle. Personne d’autre ne pouvait lui apparaître. Je pense que ce que nous trouvons si fascinant dans la Sainte Vierge - hormis l’iconographie qui nous est inculquée depuis notre enfance - c’est son intransigeance », a précisé le cinéaste. D’abord incrédule, puis effrayée et déboussolée, Lucia gère comme elle peut cette vision céleste. Mais le réalisateur désamorce le malaise (et l’énormité) de la situation par un traitement décalé qui constitue le meilleur aspect du métrage : quand la Madone la harcèle quotidiennement par sa demande, Lucia de lui rétorquer : « Je t’ai déjà dit non : tu es plus insistante qu’une enfant ».
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Le spectateur ne doit cependant pas s’attendre à des dialogues comparables aux joutes entre Fernandel et la statue du Christ dans les Don Camillo, le projet de Gianni Zanasi étant tout autre… Mais en dépit du traitement intelligent d’un sujet ambitieux et casse-gueule, il ne convainc pas complètement, en raison d’un scénario plus convenu pour ce qui est de la description des relations familiales et amoureuses de la protagoniste. Les déboires avec sa fille en plein âge ingrat n’apportent rien à l’intrigue, et la narration lorsqu’elle se focalise sur la difficile vie de couple avec son compagnon fait songer soit à du sous Woody Allen, soit à la mièvrerie d’un Giuseppe Tornatore. Par contre, les acteurs sont irréprochables : on retrouve avec délectation la puissance histrionique d’Elio Germano (La Nostra vita) ; mais c’est surtout Alba Rohrwacher qui irradie l’écran, dans une œuvre dont le contexte mystique évoque par ailleurs l’univers de sa sœur, la réalisatrice Alice Rohrwacher (Heureux comme Lazzaro). Rien que pour elle, cette fantaisie amère et insolite mérite le détour.
– Quinzaine des Réalisateurs 2018 : Label Europa Cinémas
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