Traqué dans la ville - la critique + le test DVD

Ce beau film noir social est autant un récit haletant qu’une radiographie de l’Italie miséreuse.

L’argument : Quatre hommes commettent un vol. Chacun orchestre sa propre fuite.

Notre avis : Dès le générique, avec ces phares qui trouent à peine la nuit, Germi inscrit son film dans la lignée du polar sombre qui enferme ses personnages dans une fatalité désespérée. À partir de là, dès le casse amateur, le destin des quatre voleurs est inexorable. Mais ce qui intéresse le cinéaste italien, c’est moins une enquête rendue facile par les maladresses et la peur que la description à hauteur d’homme de ces représentants presque théoriques des sans-grades, des oubliés.
Ce monde de la pauvreté, Germi le montre d’abord par le soin particulier apporté aux décors : murs lépreux, fenêtres à l’horizon bouché, plafonds bas, cour d’immeuble en terre battue ; on est constamment dans une fermeture, un cadre oppressant. Le ciel n’apparaît ironiquement que quand Luigi se suicide. C’est d’ailleurs l’omniprésence de la menace et de la mort qui fait de ce film tendu et resserré un drame poignant : quand le même Luigi regarde un train, on ne sait pas s’il songe au suicide ou à la fuite. De même l’adolescent, Alberto, menace deux fois de se tuer, une fois en paroles, une fois en actes.

Les rares trouées dans ce scénario sombre (co-signé par Fellini et Comencini !) sont encore plus désespérantes : l’ancienne gloire du football revient dans ce qui fut autrefois sa maison luxueuse, mais c’est pour être dénoncé par son ex-femme, vénale et hautaine. Et le seul flash-back du film relate, dans un restaurant chic, la mise à l’écart du peintre par une tablée ricanante. Les pauvres ne sont pas pour autant épargnés, avec la famille du capitaine cupide et le petit monde louche qui gravite autour de lui.
S’il s’attache minutieusement à la reconstitution encore néo-réaliste d’une Italie de la misère, Germi n’oublie pas non plus la dose d’émotion qui caractérise le mouvement : quand Luigi repasse l’alliance au doigt de sa femme sous l’œil ahuri d’un voyageur, quand la mère d’Alberto, pour le dissuader de sauter, clame son amour et sa culpabilité, le réalisateur réussit sans effets excessifs à atteindre un lyrisme déchirant. En s’abreuvant ainsi aussi bien au mélodrame qu’au film noir et avec une maîtrise technique sans failles, il fait de cette œuvre nerveuse une petite perle d’émotion et de suspens.

Les suppléments :

Outre la bande-annonce et une galerie photos, le DVD propose un livret écrit par Jean A. Gili, fin connaisseur du cinéma italien, qui analyse le film et offre nombre d’informations sur le réalisateur et les acteurs.

L’image :

Si la copie comporte peu de parasites, il y a des tressautements, de légers manques de stabilité et surtout de nombreux « effets d’escalier ». En revanche toutes les nuances du noir et blanc sont respectées de belle manière.

Le son :

La seule piste proposée (Dolby Digital 2.0) a vieilli : c’est surtout la musique éraillée qui en fait les frais.