The Party - la critique du film

Notre avis : La réalisatrice, scénariste, compositrice et actrice de cinéma britannique Sally Potter renoue avec l’excellence de son Orlando de 1992. Une réalisation adroite, un casting au top, une musique en parfaite adéquation avec l’intrigue et un humour aussi affuté qu’une lame de rasoir font de ce jeu de chamboule-tout théâtral un joyau tout à la fois drôle et cynique mettant aux prises quelques bobos politico- intellos empêtrés dans leurs certitudes et leur bien-pensance.
Huis-clos filmé en noir et blanc pour laisser toute latitude à la narration, The Party joue sur l’unité de temps et de lieu et développe avec talent tous les effets théâtraux, du vaudeville au drame.
L’image d’ouverture et l’image de fin se juxtaposent. Entre les deux, la réalisatrice entraîne le spectateur dans une remontée du temps pleine de soubresauts au sein de cette maison au calme douillet où une fête entre amis dégénère peu à peu en règlement de comptes.

Copyright Sally Potter

Dans la résidence londonienne d’un couple (Bill et Janet), c’est l’effervescence. Janet (la toujours impeccable Kristin Scott-Thomas) atteint le summum de sa carrière politique, et veut partager cet événement avec ses amis. Pendant qu’elle s’affaire en cuisine tout en parlant sans cesse avec ses amis qui lui téléphonent pour la féliciter, son mari Bill, un universitaire qui a renoncé à des opportunités professionnelles pour la soutenir, semble indifférent à ce qui se passe autour de lui, assis dans un fauteuil du salon à écouter de la musique. Ce n’est pas l’arrivée de ce couple atypique que forment la cinglante April (l’excellente Patricia Clarkson qui nous régale des dialogues les plus piquants) et son mari Gottfried, sorte de gourou mystique porteur d’une conception de la vie bien particulière, sous les traits de l’impayable Bruno Ganz, qui va le faire sortir de sa torpeur. C’est pourtant ce même Bill atone qui quelques instants plus tard mettra le feu aux poudres en faisant remonter les non-dits grâce à deux révélations fracassantes. Suit alors un couple de lesbiennes, Martha (Cherry Jones), féministe engagée et sa compagne Jinny (Emily Mortimer) qui vient d’apprendre qu’elle attend non pas un mais trois enfants, ce qui n’est pas sans inquiéter Martha, beaucoup plus âgée qu’elle et n’est pas loin de remettre leur relation en question. Enfin, tel un lutin monté sur ressort surgit Tom, mari de Marianne (qui doit arriver plus tard et qui sera la grande absente de cette réunion), la future collaboratrice de Janet. C’est un jeune banquier ambitieux et égoïste, au costume trop voyant et trop cher. Il ne tient pas en place, passant son temps entre le salon et la salle de bains où il se prépare quelques lignes de cocaïne. Dans sa veste, il cache un revolver qu’il ne manque d’exhiber régulièrement, histoire de se rassurer lui-même.

Copyright Sally Potter

Tourné en juin 2016 -au moment du Brexit-The Party se teinte d’une nette connotation politique en illustrant à point nommé la façon dont bassesse et faux-semblants s’unissent dès lors qu’il s’agit d’arriver au sommet de ses ambitions, quitte à devoir mettre ses idéaux de côté.
Une mise en scène dynamique installée au cœur d’un décor épuré et soutenue par les dialogues ciselés des joutes verbales qui fusent sans temps mort protègent le spectateur de tout ennui et donnent un tempo exaltant à cette comédie enlevée. Tel un œil inquisiteur à qui rien n’échappe, la caméra guette sans relâche le moindre frémissement du visage de ces personnages en période de crise au fur et à mesure qu’ils révèlent leur vérité et nous sert ainsi une belle tranche d’humour réjouissant et dévastateur !

Affiche britannique