Le 7 novembre 2017
Basé sur un roman atypique de Virginia Woolf, Orlando est un film arty à la fois passionnant et déroutant. Tilda Swinton tient là une de ses meilleures performances avec un double rôle incroyable.
- Réalisateur : Sally Potter
- Acteurs : Tilda Swinton, Billy Zane, Quentin Crisp, Jimmy Somerville, John Bott
- Genre : Drame, Fantastique
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 27 janvier 1993
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Date de sortie en DVD : 3 octobre 2017
Résumé : Mi-homme, mi-femme, Orlando va traverser quatre siècles de l’histoire britannique. En 1600, un jeune soldat anglais, Orlando, devient le favori d’Elisabeth 1ère. Sur son lit de mort, elle l’implore de rester toujours jeune. Il se déplace à travers plusieurs siècles de l’histoire britannique ; et durant sa longue et profonde quête philosophique, il va connaître une variété de vies et de relations le long du chemin, jusqu’à même le changer de sexe, sans jamais vieillir...
Notre avis : Orlando est un roman (1928) ludique et déroutant de Virginia Woolf (1882-1941). Et pour cause. Inspiré de sa relation avec la poétesse Vita Sackville-West, Orlando constitue une biographie imaginaire. Le personnage principal va traverser les siècles sans jamais vieillir, ou à peine. Et le plus curieux dans tout cela, c’est que le dit Orlando va même changer de sexe en cours de route.
C’est donc cette histoire hors du commun que reprend dans ses grandes lignes la cinéaste Sally Potter pour l’adapter à l’écran en 1992 (sortie en France en 1993). Le résultat est conforme au matériau d’origine avec un long métrage tout à la fois flamboyant et surprenant qui réussit à susciter l’enthousiasme des critiques et des cinémas art et essai en son temps.
L’action d’Orlando débute en 1600 pour s’achever à notre époque. Le film frappe d’emblée par la beauté et la précision de ses plans, donnant l’impression de contempler de véritables tableaux qui prennent forme sous nos yeux.
Le travail remarquable apporté à la photographie et aux décors est d’autant plus prégnant que l’on vogue au gré des aventures d’Orlando dans différents lieux et époques. A la froideur de l’Angleterre des années 1600 succède un siècle plus tard les paysages arides de l’Orient, avec une architecture également très contrastée.
Orlando n’en demeure pas moins un film difficile à appréhender. C’est une œuvre avant tout sensitive qui touche ou non le spectateur, si celui-ci parvient à s’immerger dans ce monde fantastique, à l’image des films de Derek Jarman, cinéaste qui dirigea Swinton à plusieurs reprises, notamment dans l’incroyable Caravaggio.
Il faut accepter les nombreux parti-pris (justifiés) de Sally Potter, cinéaste que l’on a retrouvé avec plaisir en 2017 avec The Party. Le film évite les clichés de l’histoire d’amour traditionnelle pour apporter au contraire quelque chose de novateur. Par ailleurs, en raison du « don » d’Orlando qui se déplace dans diverses époques, la réalisatrice multiplie les ellipses. Les amateurs de films classiques, linéaires sur le plan du scénario, risquent d’être déroutés, d’autant qu’en plus de ces éléments, le personnage principal effectue des commentaires en off, regard face caméra.
Pour les autres, conquis par ce film littéraire, théâtral, c’est une expérience singulière qui leur tend les bras. A l’image du personnage principal, Orlando est une ode à la liberté, avec en particulier l’omniprésence de l’ambiguïté sexuelle.
Cela n’est pas un hasard si le film commence avec le chanteur gay Jimmy Sommerville, en train d’entonner une chanson, pour se terminer avec le même chanteur, cette fois affublé en ange. La symbolique est claire puisque dans l’imaginaire, les anges n’ont pas de sexe… On a aussi le personnage d’Elisabeth 1ère, amoureuse d’Orlando, ici jouée par un homme : l’acteur Quentin Cris dans le rôle d’un travesti ! Il est évident que Sally Potter met en avant la confusion des genres. Et perpétue la tradition ancestrale de la Grèce Antique avec des personnages de femmes joués par des hommes.
D’ailleurs, notre héros du jour, Orlando, participe grandement à cet état de fait. A cet égard, avoir choisi l’actrice Tilda Swinton dans le rôle-clé s’avère une excellente idée. Avec son style androgyne, dénué de formes, elle est parfaite dans le rôle. Elle est tout à fait crédible en homme. A contrario, elle surprend même lorsque la « métamorphose » a lieu et qu’elle devient une femme. On assiste sans nul doute à l’une des plus belles scènes du film, où Orlando se regarde nue dans le miroir. C’est toujours la même personne en pensée, mais qui a changé de sexe : « la même personne » déclare-t-elle. « Aucune différence. Aucune sauf le sexe. »
Sans travestir la pensée de Sally Potter, il est plus que probable que ce film est une œuvre féministe, d’une grande modernité et très avance sur son temps. Il faut tout de même se rappeler que le roman date de 1928.
Ce long métrage s’attaque de façon pertinente aux préjugés, à la société bien pensante et de manière générale aux étiquettes que l’on assigne soit à l’Homme soit à la Femme. Orlando devient de facto une œuvre revendicatrice sur le droit à disposer librement de son corps et à faire ce que l’on veut dans la société.
De façon presque étonnante, le film comprend une scène d’amour très charnelle, superbement filmée, qui lie la relation entre les protagonistes joués par Tilda Swinton et Billy Zane que l’on retrouve dans un contre-emploi. On a le sentiment que ces deux-là vivent en symbiose. C’est sans doute une façon pour la réalisatrice de nous dire que le genre sexuel importe peu. Après tout, peu de temps auparavant, Orlando était encore un homme. Forcément, en filigrane, Virginia Woolf évoque sa propre situation puisqu’elle était elle-même bisexuelle.
C’est avant tout l’Amour qui compte le plus, un amour éternel à l’image de notre héros traversant le temps, et pour autant nostalgique de ses amours passés. C’est encore particulièrement significatif si le film commence par un chapitre intitulé « la mort » pour s’achever avec « la naissance ». C’est le cycle de la vie qui prend forme, et se matérialise en pensée par la belle chanson de Jimmy Sommerville « Coming ».
Au-delà de son caractère arty et surréaliste par moments, Orlando évoque des préoccupations universelles qui continuent d’avoir une résonance dans notre actualité de tous les jours : le besoin (et l’envie) de liberté mais aussi la peur de rester seul dans sa vie quotidienne.
LE TEST DVD
Une édition impeccable sur le plan technique mais dénuée de bonus.
Les suppléments :
0
Cette section est réduite à la portion congrue avec uniquement les bandes-annonces des Six femmes d’Henry VIII et de Korczak. Une interview de la réalisatrice, récemment auteur de The party, aurait été appréciée.
L’image :
Une image en 1.85 de très bonne facture avec un léger grain cinéma qui a été conservé. Nul doute qu’une restauration a eu lieu, tant la beauté des décors ressort de façon flamboyante.
Le son :
Le film est disponible uniquement en stéréo, tant en français qu’en version originale sous-titrée en français. Le son est plutôt bon et bien réparti au niveau des enceintes.
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