Pour lui et pour lui seul
Le 8 avril 2016
Guillaume Nicloux filme Gerard Depardieu perdu dans la forêt. On aimerait trouver ça fascinant.


- Réalisateur : Guillaume Nicloux
- Acteurs : Gérard Depardieu, Audrey Bonnet, Swann Arlaud
- Genre : E-Cinéma
- Nationalité : Français
- Durée : 1h25mn
- Titre original : The End
- Date de sortie : 8 avril 2016

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Guillaume Nicloux filme Gérard Depardieu perdu dans la forêt. On aimerait trouver ça fascinant.
L’argument : Un homme part à la chasse. Lorsque son chien disparaît, il s’aperçoit qu’il ne reconnaît plus la forêt dans laquelle il se trouve.
Notre avis : Lors de la projection à la presse, Guillaume Nicloux a expliqué avoir mis en image un de ses rêves, et qu’il avait demandé à Gérard Depardieu de jouer son rôle. Sage décision du réalisateur qui donne à voir et à sentir, par la seule grâce de son acteur, un presque-film et un peu de chair à un objet qui n’en a malheureusement pas beaucoup. The End, soit la rencontre loupée entre un Depardieu qui émeut dès qu’il bouge un orteil et une histoire faussement bizarre qui nous fait dire que les rêves - ici un cauchemar - feraient parfois mieux de rester dans la tête de ceux qui les imaginent. Les premières images posent déjà problème. Soutenues par la pauvre musique d’Eric Demarsan - trois notes de piano et un violon qui grince - elles se parent d’une étrangeté de pacotille avant même que le bizarre fasse irruption dans le réel. Elles sont carrément désagréables à se moquer d’un homme qui collectionne des objets kitsch et possède une photo de sa défunte épouse édentée sur le bureau. Comme s’il fallait rire ou s’inquiéter, à l’image du public dans la salle, de cette imagerie vieillotte mais pas moins humaine d’une France profonde et rurale.
- Les Films du Worso © LGM productions
Reste alors, en dehors d’un beau travelling sur une forêt aux accents méphistophéliques, l’acteur Depardieu, devenu depuis quelques films le personnage des fictions qu’il investit. Qu’il éructe ou s’essouffle, et c’est fascinant. Qu’il boive une bouteille de Schweppes ou mange une biscotte et le spectateur s’accroche sans trop savoir pourquoi. Il faudrait pourtant qu’il se dégage de ce voyeurisme un tantinet morbide. Nulle gêne à voir ce corps schizophrène, massif et pourtant gracile, mais l’impression tenace que les rôles disparaissent derrière l’homme et la fascination qu’il exerce malgré lui. The End n’est donc pas tant un film qu’un observatoire de l’acteur Depardieu. Fausse audace d’un concept déjà vu et en mieux, chez Kervern et Delépine par exemple, qui n’oubliaient pas de construire un film autour de l’acteur. Ici, les images ne pensent rien au delà de ce qu’elles montrent de Depardieu. Le dispositif aurait pourtant gagné à aller jusqu’au bout d’une épure de la matière narrative, mais Nicloux gâche le potentiel de fascination de son film en y introduisant des personnages dont on n’a pas encore compris la raison d’être. Paradoxe d’un film qui n’arrive pas à ne rien raconter et rate le peu qu’il raconte. Le pire s’invite dans un dernier quart d’heure assez aberrant, enfumage narratif un peu bête dont on n’a pas bien compris s’il était un remake d’Un jour sans fin ou un trip auteuriste trop profond pour le commun des mortels. Se perdre dans un film, oui. Encore faut-il qu’on y trouve quelque chose.
- Les Films du Worso © LGM productions