Elle et lui
Le 3 novembre 2014
Présentée dans une de ses versions au Festival de Cannes 2014, cette œuvre indépendante en trois volets séduit par sa construction audacieuse.
- Réalisateur : Ned Benson
- Acteurs : Viola Davis, Ciarán Hinds, James McAvoy, Jessica Chastain, Bill Hader
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Netflix
- Festival : Festival de Cannes 2014
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The Disappearance of Eleanor Rigby : Her : 1h40mn
The Disappearance of Eleanor Rigby : Him : 1h29mn
The Disappearance of Eleanor Rigby : Them : 2h03mn
L’argument : Eleanor aime Conor, et Conor aime Eleanor. Que se passe-t-il lorsqu’un couple vivant en parfaite harmonie se retrouve soudain confronté à un événement tragique ?
Notre avis Le film projeté à la section Un Certain Regard du Festival de Cannes 2014 est la version amputée d’une bonne heure d’une mouture montrée en 2013 au Festival de Toronto. Il s’agit en fait de The Disappearance of Eleanor Rigby : Them, synthèse de deux œuvres formant un diptyque, The Disappearance of Eleanor Rigby : Him (1h29) et The Disappearance of Eleanor Rigby : Her (1h40). Aux États-Unis, Her et Him ont connu une distribution commerciale restreinte. En France, en novembre 2014, leur sortie n’est toujours pas programmée, mais le site Netflix permet de visionner Her, Him et Them. Les trois segments peuvent être vus dans l’ordre voulu. Pour tout dire, la seule vision de Them pourra paraître décevante, Him et Her constituant au contraire une expérience intéressante, les deux parties étant complémentaires tout en ayant des qualités en tant que segments isolés, un peu comme Smoking et No smoking (1993) d’Alain Resnais. The Disappearance of Eleanor Rigby a été produit par la Weinstein Company et est le premier long métrage de Ned Benson. Them démarre comme une comédie romantique (ce qu’il reste à l’occasion d’un flash-back) avant de dévier vers le mélodrame. Conor (James McAvoy) et Eleanor (Jessica Chastain) forment un couple amoureux et heureux, ce que dévoile le pré-générique (qui est quasiment le même dans Him et Her). Une ellipse montre ensuite les deux personnages sous un autre angle. Elle tente de se suicider, s’échappe du domicile conjugal, et lui se met en quête de la retrouver. Nous comprendrons seulement au bout d’une demi-heure qu’ils viennent de vivre un événement tragique et douloureux. Le ton oscille ensuite entre le drame psychologique hollywoodien et l’allure branchée d’un certain cinéma indépendant américain plutôt lisse et propret, dont l’unité de lieu se cantonne aux rues, avenues et parcs de Manhattan. On n’y oublie pas les références à ce cher cinéma français, avec une affiche... d’Un homme et une femme, et le personnage de Mary Rigby (Isabelle Huppert), musicienne en exil, filmée dans toutes ses scènes avec un verre de Chardonnay ou de Bordeaux à la main, et qui conseille à sa fille de se rendre à Paris où elle pourra « lire le Monde et les Inrocks »...
Ce sont les passages les plus faibles du film, sauvé par de subtils non-dits et une scène presque aussi émouvante que du Douglas Sirk. Mais le principal intérêt de Them est d’opérer une fusion (partielle) entre les séquences de Him et Her. Le montage utilisé par le cinéaste est alors très habile, et chaque segment se nourrit de l’autre, l’ensemble constituant un puzzle narratif tel que Lucas Belvaux avait pu l’expérimenter dans sa trilogie Un Couple épatant / Cavale / Après la vie (2003). Him adopte (sans voix off) le point de vue de Conor, désespéré après le départ de sa bien-aimée. Le récit se déroule du coup dans son univers, entre un restaurant qu’il tient tant bien que mal avec son associé Stuart (Bill Hader), et les conversations avec son père (Cirian Hinds), qui cherche à lui faire reprendre l’entreprise familiale. Eleanor apparaît de façon plus furtive, entourée d’un mystère qui n’est pas sans évoquer celui de Kim Novak dans Vertigo. Dans Her, des scènes que l’on ne voit pas pas dans Him mettent davantage en valeur le personnage du père psychologue (William Hurt), ex-fan des Beatles, et d’une universitaire (Viola Davis), qui s’attache à Eleanor en se positionnant inconsciemment comme une mère de substitution. Et c’est Conor qui semble ici avoir ses zones d’ombre. Ces digressions narratives et ce jeu en trompe-l’œil font de Him et Her des objets jumeaux attachants et cinématographiquement séduisants, puisqu’une même scène est filmée sous des angles différents dans chacune des deux parties. Du coup, on regrette que Him et Her n’aient pas été sélectionnés tels quels à Cannes : une projection de trois heures et en deux parties aurait mis davantage en valeur la proposition de cinéma de Ned Benson. On se plait à rêver que le film soit distribué en salles sous cette forme. Professionnels et habités par leurs personnages, les deux acteurs principaux confirment l’étendue de leur jeu. James McAvoy n’a jamais été aussi bon. Quant à Jessica Chastain, elle confirme qu’elle est l’une des actrices américaines les plus douées de sa génération.
Gérard Crespo - En collaboration avec le site CINEMASMAG
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