Le 18 février 2024
- Titre original : Tepe
- Scénariste : Firat Yaşa>
- Dessinateur : Firat Yaşa
- Genre : Historique, Fable
- Editeur : Éditions çà et là
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 16 février 2024
- Titre original : Tepe
Un récit écologique ancré dans la préhistoire qui interroge le rapport entre l’homme et son environnement, par le dessinateur turc Firat Yaşa.
Résumé : Râht est un chasseur-cueilleur capable de dialoguer avec les animaux, et qui vit en marge de la société des hommes depuis la mort de sa mère. Ses conviction et son mode de vie sont très éloignées de la société construite sur la colline de Göbekli Tepe (« la colline ventre », située dans le sud de la Turquie) où les hommes abandonnent progressivement le nomadisme pour fonder une société sédentaire, dont le principal ciment constitue la croyance au « Père ciel », une divinité unique. Mais cette société « civilisée » se distingue par sa violence et son rapport de prédation vis-à-vis de la nature, comme le démontre le massacre de troupeaux de biches pour satisfaire « Père ciel »… Lorsque Râht rencontre une jeune biche survivante du massacre, il se lance dans une épopée à travers la région.
Critique : Premier album de Firat Yaşa traduit en langue française, Tepe, la colline est un conte moderne autour de deux grands thèmes : le rapport prédateur de l’homme à son environnement, qui débute effectivement à l’époque de la « révolution néolithique », et le rapport fanatique à la religion, qui mène à l’obscurantisme. Pour construire ce conte, Firat Yaşa s’appuie sur les découvertes archéologiques bien réelles réalisées sur le site exceptionnel de Göbekli Tepe (province de Şanlıurfa, en Turquie, près de la frontière syrienne), qui date d’environ 9 000 ans avant J.C., soit au tout début de la néolithisation. « Considéré comme le premier temple de l’histoire », le site de Göbekli Tepe a été découvert dans les années 1960 et a bénéficié de fouilles archéologiques. On sait aujourd’hui que ce site impressionnant, qui comprend des mégalithes, des crânes humains et de nombreuses représentations d’animaux, a été occupé par des groupes de chasseurs-cueilleurs qui se retrouvaient là pour pratiquer différents rites.
- Firat Yaşa / çà et là pour la traduction française
C’est d’abord la transition progressive de sociétés nomades vers des sociétés sédentaires – et la transformation radicale du rapport à la nature qu’elle implique – qui intéresse Firat Yaşa. Il faut dire que cette mutation anthropologique constitue l’un des tournant les plus importants de l’histoire de l’humanité. Dans le récit, Râht incarne la société nomade attachée à des modes de vie immémoriaux, qui vit en communion avec la nature. Cette communion se matérialise par la capacité de Râht à communiquer avec les animaux, et la relation d’amitié qu’il noue avec la jeune biche pourchassée par les adorateurs de « Père ciel ». Ces derniers, mené par un chaman violent et démagogue, adoptent au contraire un rapport de prédation vis-à-vis de la nature et érigent des monuments à la gloire de leur dieu. L’allusion de à l’obscurantisme religieux est limpide et l’allusion à la Turquie actuelle, si elle n’est pas exprimée directement, apparaît de façon assez claire.
- Firat Yaşa / çà et là pour la traduction française
S’il s’inscrit dans le passé, le conte violent de Firat Yaşa s’adresse à nos sociétés contemporaines : ne serait-il pas possible de revenir à la simplicité de Râht ? La « civilisation » structurée est-elle si désirable, lorsqu’elle s’accompagne du fanatisme ? Autant de questions fondamentales qui ressortent de cette jolie lecture.
- Firat Yaşa / çà et là pour la traduction française
Sur le plan graphique, Tepe, la colline s’appuie sur une palette de couleurs – chaudes ou froides, selon l’heure de la journée – et un trait assez simple, qu’un œil mal averti considérerait comme simpliste, mais qui se pare en réalité d’une certaine beauté. La représentation des personnages s’inspire des dessins très épurés laissés sur les roches par nos ancêtres de la préhistoire. Les paysages semi-montagneux et arides sont davantage travaillés, et Firat Yaşa – loin d’éprouver une nostalgie des temps anciens – rend compte de la rudesse de la vie pour les hommes de cette époque. Les planches, renforcées par des textes inspirés notamment lorsque l’auteur donne la parole aux animaux, possèdent une vraie poésie. La course-poursuite sur une vingtaine de pages entre la biche et les adorateurs de « Père ciel » s’avère à cet égard édifiante. Le lecteur semble également entendre une musique lorsqu’il parcourt les scènes de danse durant lesquelles se déroulent les différents rites.
Tepe, la colline est un récit d’une grande originalité narrative et graphique qui, en s’arrêtant sur une mutation anthropologique fondamentale, tend un miroir à l’homme moderne.
200 pages – 25 €
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