Radio gaga
Le 23 février 2012
Réalisateur inégal, Oliver Stone signait avec Talk Radio un drame paranoïaque décapant, qui jette sur la libre-antenne un regard nerveux, critique et audacieux
- Réalisateur : Oliver Stone
- Acteur : Alec Baldwin
- Genre : Drame, Thriller, Politique
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 1h44mn
- Date de sortie : 12 avril 1989
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Réalisateur inégal, Oliver Stone signait avec Talk Radio un drame paranoïaque décapant, qui jette sur la libre-antenne un regard nerveux, critique et audacieux
L’argument : Barry Champlain anime une émission à succès sur une radio locale de Dallas. Cynique, cru, méchant, il provoque les noctambules qui l’appellent et lui livrent des récits souvent sinistres. Alors que l’émission doit désormais être diffusée à l’échelle nationale, Barry voit son ex-femme revenir à Dallas et les menaces antisémites à son égard se multiplier. Pris dans une surenchère de violence verbale, il s’isole dans la mégalomanie et l’angoisse.
Notre avis : Barry Champlain, animateur barré d’une radio locale et tête à claques notoire des auditeurs conservateurs de Dallas, a pratiquement tout de l’homme à abattre : mégalo, parano, provocateur, rien ne l’effraie, et surtout pas d’affronter en direct les néo-nazis saturant les ondes de leurs appels menaçants. Jusqu’au jour où la promesse d’une diffusion nationale change la donne : faut-il redoubler de verve pamphlétaire pour plaire au nouveau boss ou la mettre en veilleuse ? Car la liberté de parole affichée avec un panache belliqueux par l’ami Barry n’est peut-être pas si "libératrice" qu’elle en a l’air : en multipliant les joutes verbales les plus étourdissantes, le personnage s’aliène malgré lui à un système où la notion de reconnaissance est inséparable du succès médiatique. Belle métaphore de l’acteur, ici envisagée du point de vue de la "voix". Mais la force de Talk Radio est de faire de la diction un acteur à part entière, grâce une mise en scène qui épouse au plus près le trouble de son personnage. Sillonnant du studio aux coulisses, le spectateur est invité à partager ce trouble comme un auditeur indirect, planqué quelque part, aux prises avec le soliloque flippé de Barry.
Oliver Stone, qui a réalisé Talk Radio en pleine préparation de Né un quatre juillet, filme comme personne cet univers claustro et fait fi des conventions dramatiques en improvisant un quasi-thriller en huis clos, où l’angoisse naît de toutes parts. Nouveau boss, menaces d’un auditeur malveillant, expédition de paquets louches au studio, visite impromptue d’un junkie désemparé ou rencontre d’une auditrice indignée... tout devient une possible menace. La moindre voix, le moindre geste prêtent à confusion. On pense bien sûr à Conversation Secrète de Coppola (1974), grand film sur l’écoute, ou même à Blow out (1981), qui ont sans doute inspiré Stone.
Mais davantage qu’un thriller, le film s’apparente à un one-man-show désemparant, presque tragique, qui donne à Eric Bogosian l’occasion d’afficher un talent tout bonnement exceptionnel. Transpirant, clopant, criant, jurant, soufflant, l’acteur habite de son énergie débordante tout l’espace du film, d’ailleurs tourné en studio et dans un espace propice aux métaphores théâtrales. Sorte de martyre auto-désigné, il déploie une gamme de registres qui font de Talk Radio un film "totalisant", interrogeant de l’intérieur les contradictions de l’Amérique tout entière.
Si Champlain, lion en cage, est un potentiel tyran, il n’est est pas moins l’esclave de la foule qui l’acclame ou l’injurie : là réside une contradiction flagrante du système médiatique, tiraillé entre racolage d’audimat et liberté de parole, et dont Stone filme avec énergie les effets pervers sur la société. Car la radio, qui baigne dans un perpétuel naufrage verbal, recueille les témoignages de tous les "détraqués" du système : violeurs, nympho, drogués, néo-nazis, socio ou psychopathes... tout y passe. Le monde extérieur, perçu à travers le prisme de l’audimat, a tout d’un cauchemar. A la fois "tempête sous un crâne" et "comédie humaine", Talk Radio bouleverse, captive et agace, mais ne laisse pas indemne.
Les suppléments :
En plus de la traditionnelle bande-annonce, un complément de programme des plus intéressants, où Oliver Stone - qui affiche d’ailleurs un curieux mélange d’auto-satisfaction et d’inquiétude - revient sur la position occupée par Talk Radio dans sa filmo. Le contraste entre la qualité du film et la place relativement anecdotique qu’il lui accorde est assez surprenant.
L’image :
Le passage au support numérique a un effet contrasté : d’un côté, il affadit parfois légèrement l’opacité et les contrastes des scènes au studio ; d’un autre, il renforce la beauté éthérée des séquences de flash-back ou des scènes en extérieur. Le format 1.85 est respecté et restitue l’ampleur de la mise en scène, souvent faite de travellings.
Le son :
Un Dolby Stéréo impeccable qui restitue avec précision le timbre de voix des acteurs. La polyphonie n’en est que plus étourdissante. Bien entendu, le film est à voir en VOST pour apprécier la performance de Bogosian, même si la VF est tout à fait convenable.
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