Le 2 août 2020
À la fois sobre et percutant, ce premier long métrage est un bon film de guerre qui présente une approche semi-documentaire du siège de Sarajevo et offre son meilleur rôle à Niels Schneider.
- Réalisateur : Guillaume de Fontenay
- Acteurs : Vincent Rottiers, Niels Schneider, Clément Métayer, Ella Rumpf, Arieh Worthalter
- Genre : Drame, Film de guerre
- Nationalité : Français, Canadien
- Distributeur : Rezo Films
- Durée : 1h40mn
- Date télé : 2 mars 2022 20:40
- Chaîne : OCS Choc
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 27 novembre 2019
- Festival : Rencontres cinématographiques de Cannes, Festival Saint-Jean-de-Luz
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Résumé : Sarajevo, novembre 92, sept mois après le début du siège. Le reporter de guerre Paul Marchand nous plonge dans les entrailles d’un conflit fratricide, sous le regard impassible de la communauté internationale. Entre son objectivité journalistique, le sentiment d’impuissance et un certain sens du devoir face à l’horreur, il devra prendre parti.
Critique : Avec plus de deux millions de réfugiés et d’exilés, et plus de cent-mille morts, la guerre de Bosnie est considérée comme le conflit le plus meurtrier du continent européen depuis la Seconde Guerre mondiale. Le siège de Sarajevo est quant à lui le plus long de l’histoire de la guerre moderne. Il dura de 1992 à 1996, occasionnant la mort de douze-mille personnes et cinquante-mille blessés. Pendant ce siège, dans cette cuvette encerclée par des positions serbes sur les collines, on a compté des centaines d’obus par jour. Adapté du livre éponyme écrit en 1997 par le reporter de guerre français Paul Marchand, Sympathie pour le diable est le premier long métrage du réalisateur québécois Guillaume de Fontenay. Le cinéaste, qui avait connu Marchand dans les années 90, avait écrit une première ébauche de scénario en collaboration avec le reporter, qui s’est donné la mort en 2009. Remanié avec Jean Barbé et Guillaume Vigneault, le script n’est ni un biopic, ni un récit à thèse sur les horreurs de la guerre, ni l’hagiographie du journaliste, qui obtint le Prix spécial du jury au concours international des correspondants de guerre de Bayeux-Calvados, en 1994. C’est avant tout le portrait d’un homme qui s’interroge sur l’éthique de sa profession, écartelé entre le devoir de réserve et la compassion envers les victimes d’un conflit, entre l’objectivité inhérente au devoir du reporter et la nécessité de prendre parti face aux horreurs dont sont victimes des populations civiles, et qui finit par obéir à sa conscience morale.
- Copyright Shayne Laverdière Monkey Pack Films Gofilms
La narration fait ainsi écho aux récents Chris the Swiss d’Anja Kofmel, sur le même conflit en ex-Yougoslavie, et Camille (2019) de Boris Lojkine, sur la guerre civile en Centrafrique, les personnages (et reporters réels) de ces films éprouvant un dilemme similaire à celui de Paul Marchand. Le choix de mise en scène de Guillaume de Fontenay est celui de la reconstitution semi-documentaire, sans lourdeurs naturalistes ni effets de réel, et aux antipodes de la démarche consistant à esthétiser ou rendre lyriques les violences armées. « Je n’ai pas voulu embellir la guerre, j’ai refusé de tourner en 16/9 ou en 2/35. En 4/3, l’image a le cadre des caméras télés de l’époque, elle est plus brutale, claustrophobique. J’ai voulu rendre le film le plus sensoriel et le plus immersif possible, à la fois radical et humain. La lumière est désaturée, parce que c’est celle de Sarajevo en hiver : de la brume et peu de couleurs. Je voulais un film à la fois cru et pudique, je n’ai pas insisté sur le sang qui coule, mais le film est violent quand il le faut. Tout est filmé caméra à l’épaule, dans le sillage de Paul, sans champs-contrechamps classiques. J’ai voulu suivre Paul sciemment, qu’il nous précède tout le temps », a-t-il ainsi précisé dans le dossier de presse.
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Le résultat est saisissant, sans voyeurisme ni misérabilisme, dès la première séquence qui voit Paul filmer les victimes civiles d’une boucherie, effectuée par l’armée serbe. Même les passages s’apparentant à des scènes de « repos du guerrier » (son idylle avec une traductrice serbe, une virée en discothèque qui pourrait paraître déplacée) s’inscrivent avec finesse dans le dispositif. Le film est en outre didactique (dans le bon sens du terme), dans la mesure où il expose avec clarté la complexité d’un conflit absurde ayant opposé plusieurs communautés ethniques et religieuses qui jusque-là vivaient dans une relative cohésion. Il constitue l’une des meilleures œuvres sur cette guerre, deux décennies après des réussites comme Le Regard d’Ulysse (1995) de Theo Angelopoulos ou Baril de poudre (1998) de Goran Paskaljevic, sans toutefois la poésie grandiose du premier ou la charge corrosive du second. Il faut aussi souligner la qualité de la direction d’acteurs. Niels Schneider est étonnant, loin de son image d’ange blond dans Les Amours imaginaires de Xavier Dolan, qui le révéla. Il est bien entouré par Vincent Rottiers, Arieh Worthalter, Clément Métayer et la lumineuse Ella Rumpf, aussi belle que subtile dans un rôle a priori ingrat.
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