Le 27 septembre 2018
Une œuvre de cinéma capitale qui permet de réécrire le cauchemar de la guerre en ex-Yougoslavie à l’aune du parcours tragique et fantastique d’un jeune journaliste suisse. Saisissant et essentiel.
- Réalisateur : Anja Kofmel
- Genre : Drame, Documentaire, Animation
- Nationalité : Allemand, Suisse, Finlandais, Croate
- Distributeur : Urban Distribution
- Durée : 1h25mn
- Date de sortie : 3 octobre 2018
- Festival : Festival de Cannes 2018, Semaine de la Critique 2018
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Semaine de la Critique Cannes 2018
Résumé : Croatie, janvier 1992. En plein conflit yougoslave, Chris, jeune journaliste suisse, est retrouvé assassiné dans de mystérieuses circonstances. Il était vêtu de l’uniforme d’une milice étrangère. Anja Kofmel était sa cousine. Petite, elle admirait ce jeune homme ténébreux. Devenue adulte, elle décide d’enquêter pour découvrir ce qui s’est passé et comprendre l’implication réelle de Chris dans un conflit manipulé par des intérêts souvent inavoués.
Notre avis Ce n’est pas un récit journalistique en tant que tel. Ce n’est pas non plus une pure œuvre d’animation. Chris the Swiss est une œuvre cinématographique hybride qui raconte, à la façon d’un roman composite, les plaies encore béantes d’une guerre qui a du mal à expier ses fautes. Car, comme le précise un personnage du film, le conflit serbo-croate est une guerre sale, qui trouve ses racines dans l’Empire austro-hongrois et la Première Guerre mondiale. La réalisatrice, dont c’est le premier long-métrage, est elle-même la cousine de ce jeune homme, Chris, parti écrire un livre, dans les années 90, sur cette guerre épouvantable aux allures de conflits religieux et nationaliste. Hélas, il n’en reviendra pas vivant ; armée de son cadreur et de sa caméra, elle entreprend une sorte d’enquête policière à la recherche des assassins de ce jeune homme tout autant journaliste, écrivain, idéaliste, que personnage trouble.
- 2018 © Dschoint Ventschr Filmproduktion AG, Nukleus Film, MA.JA.DE. Filmproduktion, IV Films - Tous droits réservés
Le long métrage échappe totalement à la notion de documentaire. En effet, il ne cherche pas à reconstruire une vérité journalistique. Il déroule le parcours esthétique et personnel de la réalisatrice qui pose des questions, interroge des zones d’ombre, donne la voix à une famille endeuillée, et réécrit un destin tragique à coups d’animations, d’entretiens et d’images d’archives assez incroyables. Le film est d’ailleurs extrêmement écrit. La lumière, les travellings, les jeux sur les reflets, la position de la caméra, et naturellement les intrusions du dessin animé fantastique, tout cela affirme le point de vue de la cinéaste, plus que celui de la jeune femme éventuellement abîmée par ce décès. Elle s’appuie sur des cahiers rédigés par Chris et restitués à la famille pour nourrir les séquences d’animation. Ce choix esthétique assure une mise à distance de la cousine sur un événement traumatique pour sa famille, et surtout, donne à voir une constellation de petits pays issus de l’ex-Yougoslavie, à à peine quelques milliers de kilomètres de nos frontières, qui essayent de retrouver un sens à leur histoire dans les atrocités qui y ont été commises.
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Il ne faut pas chercher dans ce film une quelconque vérité historique. Il faut d’abord l’envisager comme une mise en perspective de l’Histoire avec un grand H et de l’intime, notamment celui d’un personnage, pensé comme héros d’un livre, avec ses ambitions, ses secrets, et ses obscurités. Il se dégage beaucoup de désespérance à travers les témoignages qui jonchent le récit et ces animations cauchemardesques à la limite de la BD fantastique. Mais aussi beaucoup de questionnements. Comment le terroriste Illich Ramirez Sanchez dit Carlos peut-il être associé à ce destin extraordinaire ? En quoi l’assassinat de Chris, sans réponse claire, interroge l’état actuel de l’Europe qui décline petit à petit avec la montée des nationalismes ?
Chris the Swiss est ainsi une œuvre politique au sens noble du terme. Elle emporte le spectateur dans une confusion de sentiments qui mettent en doute les vérités toutes faites qu’on pourrait se faire sur les conflits armés à travers le monde. On comprend que les guerres attirent tout une série de mercenaires isolés qui profitent de la désolation du monde pour régler leurs propres défaillances psychiques. Le constat est terrible, le commentaire magnifique.
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