Sous la maison – La chronique BD

L’histoire alterne d’une part entre sombre réalité, la banlieue toute en noir et blanc, où la nouvelle venue Daisy se lie d’amitié avec Jeanne-Claude. Daisy a découvert quelque chose de bizarre : sa machine à laver donne accès à un autre monde. Ça c’est l’autre part, un univers bigarré d’éveil spirituel où les règles (et tout le reste) sont différentes des lois physiques de notre bonne vieille terre. Un monde de couleur et de forme géométrique, de créatures étranges, d’événements peu compréhensibles mais tellement agréables pour l’esprit.
Daisy fait découvrir ce passage à sa nouvelle amie et lui demande de garder le secret. Et c’est là la première erreur de Daisy, qui a oublié le célèbre adage : « Deux personnes pour garder un secret, c’est encore une de trop ».
Grâce à cette histoire simple de prime abord, Jesse Jacobs peut surfer entre les deux mondes et laisser libre cours à son imagination débordante dans cette autre dimension inconnue, tandis que la noire, voire blafarde banlieue devient le lieu où Daisy se sent de moins en moins bien, trahie par une Jeanne-Claude assez peu fiable.

Le contraste fort entre les deux mondes, du point de vue narratif mais surtout du point de vue visuel, est marquant. Vous pourrez passez des heures à vous perdre dans ces méandres de liens de couleur formant et déformant des figures géométriques, des silhouettes représentant les visiteuses ou encore d’autres choses.
Graphiquement, on n’ose même pas imaginer le temps qu’une telle BD a pu prendre à réaliser. Et on ne peut nier le plaisir qu’on retire à parcourir ces formes et à se perdre nous aussi, avec Daisy et Jeanne-Claude, dans ce monde de formes et de couleurs.
La banlieue et les personnages sont stylisés, une stylisation accentuée encore plus par le noir et blanc. Et dans notre cas, le noir est même prédominant dans la page, et ce ne sont que quelques traits et zones de blancs qui permettent de définir objets et personnages.

Avec cette dimension psychédélique, on pourrait s’attendre à une composition explosée, voire explosive, mais il n’en est rien. Des gaufriers classiques renforcent et permettent de jouer encore plus sur la géométrie des formes et le passage du temps dans l’autre monde. Comment ? Au travers de cases répétitives à quelques détails près, comme la position des personnages ou les variations de couleur. Un choix astucieux. Des dessins au milieu de pages noires apportent des pauses qui n’empêchent pas la réflexion.