Soap

Sous ses airs de ne pas y toucher, ce pastiche de soap opera dépasse la simple trame d’une rencontre improbable et réinvente avec humour et tendresse les codes du désir amoureux.

L’argument : Charlotte a 32 ans et peut tout avoir si elle le désire. Lorsqu’elle se sépare de son fiancé, elle emménage dans un nouvel appartement. Un jour, elle rencontre Véronica, sa voisine du dessous, qui se trouve être un transsexuel. Véronica aime rester seule avec son chien, devant son soap préféré à la télé. Pourtant les deux voisines vont se rapprocher et tenter de régler leurs histoires de cœur respectives...

Notre avis : Pour son premier long métrage, Pernille Fischer Christensen a choisi de
se démarquer à la fois sur le fond et sur la forme. En traitant d’un sujet assez peu présent à l’écran comme la transsexualité, tout en calquant le découpage sur celui des soap opera dont est friande Veronica (entendre par là des chapitres au titre aguicheur entrecoupés de résumés insoutenables de suspense), autant dire que l’exercice pouvait s’avérer doublement périlleux. Défi relevé pourtant par la réalisatrice danoise et même avec brio, puisque le film a reçu le Grand Prix du Jury et le Prix du Meilleur Premier Film au 56ème Festival de Berlin.
Loin de la parodie bête et méchante, Soap nous invite à un quasi huis-clos entre l’appartement de Veronica et celui de Charlotte, situé au-dessus, aussi impersonnel que le premier peut ressembler à une bonbonnière. Le découpage en chapitres, qui n’est pas sans rappeler Dogville de Lars Von Trier, sait ainsi se faire oublier au moment opportun, tout en créant un jeu de miroir cocasse avec la série dont Veronica ne raterait pour rien au monde le rendez-vous quotidien. La mise en abîme, à laquelle s’ajoute l’empathie de Veronica, contrebalancée par le regard mi-amusé, mi-apitoyé de Charlotte, permet de remettre le soap à sa juste place : un baume pour soigner les bleus à l’âme et au corps. Enfin, le film dépasse le propos initial de l’attirance entre une hétérosexuelle à la sexualité sinon épanouie du moins sans complexe, et un transsexuel malheureux et méfiant qui dans l’attente de l’opération de la délivrance, entre un épisode de son soap préféré et une visite douloureuse de sa mère, soulage les misères sexuelles de ses clients. En effet, avec ce portrait de deux personnages, beaux et touchants, qui ne se laissent, ni l’un ni l’autre, enfermer dans aucune case, Soap invente ou réinvente toute la relation amoureuse. Comme si la réalisatrice avait secoué le chapeau du magicien en attendant de voir ce qu’il pouvait en sortir. Un coup d’essai en forme de joli succès.