Le 18 février 2025
Un bijou du cinéma d’animation, qui confirme la vitalité artisanale et artistique du vétéran Jean-François Laguionie.


- Réalisateur : Jean-François Laguionie
- Genre : Animation, Film pour enfants, Teen movie, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Français, Luxembourgeois
- Distributeur : Gebeka Films
- Durée : 1h16mn
- Âge : À partir de 8 ans
- Date de sortie : 29 janvier 2025
- Festival : Festival de Cannes 2024, Festival d’Annecy 2024

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Résumé : Au début des années 50, sur les bords de Marne, François un jeune garçon de onze ans, découvre avec intérêt que ses parents entament, dans le petit jardin familial, la construction d’un bateau, réplique du voilier du célèbre marin Joshua Slocum. Au long des années, dans une France d’après-guerre, le jeune François va voguer de l’adolescence à l’âge adulte. Au fil de la construction du bateau, tout en portant un regard tendre et poétique sur sa mère et son père, le jeune homme entamera sa propre aventure, celle qui le mènera sur le chemin de ses passions, la mer et le dessin.
Critique : Septième long métrage de Jean-François Laguionie (et sans doute son dernier), Slocum et moi confirme l’importance d’un réalisateur qui, à l’instar d’un Michel Ocelot, représente le meilleur du cinéma d’animation français. Ce disciple de Paul Grimault avait marqué les esprits par un style artisanal et poétique qu’il a déployé dans tous ses films, du court métrage La demoiselle et le violoncelliste au Voyage du prince, en passant par ce qui reste peut-être comme son chef-d’œuvre, le somptueux Tableau. Cette œuvre brillait par ses mises en abyme et sa tonalité onirique. Davantage linéaire et réaliste, et explicitement autobiographique, Slocum et moi se rapproche plutôt de la veine intimiste de Louise en hiver, tout en convoquant le souvenir des aventures maritimes de L’île de Black Mór. Coécrit avec sa fidèle collaboratrice Anik Le Ray, le scénario évoque des souvenirs de jeunesse du cinéaste. Sur les bords de la Marne, François est un pré-adolescent qui vit avec sa mère et son père adoptif, un représentant de commerce qui se met en tête de bâtir, dans son jardin, un bateau presque identique à celui de Joshua Slocum, le premier navigateur à avoir réussi, en solitaire, le tour du monde à la voile.
- © 2025 JPL Films, Mélusine Productions / Gebeka Films. Tous droits réservés.
En ces années emblématiques des Trente Glorieuses, François, lui-même passionné par les épopées en mer, grandit avec l’admiration pour ce projet, se documente sur le véritable parcours de Slocum (que nous suivons en parallèle), et passe à l’âge adulte en réalisant que les souhaits les plus fous permettent de transcender la banalité de l’existence, même s’ils ne sont pas menés à terme. Jean-François Laguionie apporte un éclairage supplémentaire : « Le malentendu affectif, assez courant entre un fils et son père, répond je crois à cette question. Le bateau étant sans aucun doute pour Pierre une arche nécessaire au trio familial. Le moment révélateur à mes yeux se situe quand François découvre à la fois la lettre d’un père biologique qui le réclame, et le plan du bateau… Il adore son père Pierre et ne tient pas à s’embarrasser d’un deuxième père. Comme beaucoup d’enfants, il trouve que la vie est assez compliquée comme ça... Le bateau lui ouvre des horizons plus extraordinaires. Cela va remplir sa vie pendant cinq ans. Le temps de passer de l’enfance à l’adolescence, avec sa conclusion heureuse : celle de passer à autre chose… » (dossier de presse).
- © 2025 JPL Films, Mélusine Productions / Gebeka Films. Tous droits réservés.
Ce joli conte, évocation d’une France provinciale qui n’existe plus, est bercé par une douce nostalgie et un ton mélancolique qui le destine aux enfants à partir de huit ans mais aussi, peut-être davantage, aux adolescents et aux adultes, le réalisateur refusant de réduire son cinéma d’animation à une seule tranche d’âge. Visuellement, le film est sublime, des tons pastel au travail sur les ombres et lumières, privilégiées à la couleur. Loin de la tournure ostentatoire du numérique, l’animation de Jean-François Laguionie privilégie la simplicité du dessin réalisé à la main par un authentique artisan/artiste. Sur le plan sonore, Slocum se montre tout aussi exquis, de la musique de Pascal Le Pennec au casting vocal inspiré et mettant en avant Elias Hauter, Grégory Gadebois ou André Marcon. Il serait dommage de passer à côté de cette merveille, à découvrir dans l’intimité ou en famille.