Le 29 août 2021
La difficile émancipation d’une villageoise muette dans la campagne turque, interprétée par une actrice principale stupéfiante qui ne sauve pas toujours les errements du scénario.
- Réalisateurs : Çağla Zencirci - Guillaume Giovanetti
- Acteurs : Damla Sönmez, Emin Gürsoy
- Genre : Drame social
- Nationalité : Turc
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h35mn
- Date télé : 29 août 2021 22:55
- Chaîne : Arte
- Titre original : Sibel
- Date de sortie : 6 mars 2019
Résumé : Sibel, 25 ans, vit avec son père et sa sœur dans un village isolé des montagnes de la mer noire en Turquie. Sibel est muette mais communique grâce à la langue sifflée ancestrale de la région. Rejetée par les autres habitants, elle traque sans relâche un loup qui rôderait dans la forêt voisine, objet de fantasmes et de craintes des femmes du village. C’est là que sa route croise un fugitif. Blessé, menaçant et vulnérable, il pose, pour la première fois, un regard neuf sur elle.
Critique : Sibel commence sur de premières images intrigantes. On découvre en effet une jeune femme affutée, déterminée, en train de préparer un piège à loup dans un bois. Ses mouvements sont précis, rapides, secs et la caméra, très mobile, la suit dans tous ses gestes. Avec une même économie de moyens, on l’entendra siffler pour communiquer avec des ouvrières dans les champs. On apprend alors qu’elle est muette depuis son plus jeune âge, conséquence d’une mystérieuse maladie infantile. Ce sifflement comme principal mode de communication est à l’image de Sibel, abrasif, cru mais non dénué de charme pour qui sait l’écouter.
- ©Jeff Harris
Ces premières séquences sont fortes, car elles sont mystérieuses et laissent le spectateur découvrir et apprivoiser ce personnage mutique au sein d’un environnement hostile. Mais la mise en scène qui s’y déploie apparaît assez vite limitée (caméra à l’épaule, plans courts), on ne s’arrête sur rien et on ellipse toute scène complexe. La direction d’acteurs soutient peu cette histoire d’amour impossible qui tourne rapidement court, tant les deux cinéastes ne savent pas quoi faire de cette romance entre l’amant de Sibel dont ils semblent embarrassés, ce dernier disparaissant d’ailleurs assez vite de l’intrigue.
- ©Jeff Harris
Le film bascule alors dans le scénario classique d’une émancipation contrariée par le poids des traditions, notamment familiales : brimades de l’héroïne, père autoritaire qui règne en maître sur ses filles, affrontement avec la communauté fascisante. Il prend ainsi à rebours la fameuse règle hitchcockienne Il vaut mieux partir d’un cliché que d’y finir en préférant suivre un sentier ultra balisé plutôt que creuser sa singularité.
- ©Jeff Harris
Se déroule alors la recette à succès pour les films d’auteurs à vocation festivalière, qui conforte le spectateur occidental dans ses certitudes progressistes en lui dépeignant des mentalités arriérées dont il pourra se scandaliser à juste titre. Et ce d’autant plus confortablement que les tenants de la tradition sont sans nuance et donc des ennemis faibles. C’est un progressisme à peu de frais, jamais éprouvé ni conquis et par conséquent atone.
Il s’agit donc là d’archétypes, dont la grosseur de trait sera à peine atténuée dans une dernière scène précipitée, avec un retournement, s’agissant du père, qui se révèle hypocrite. Ce scénario archétypal n’est donc même pas assumé jusqu’au bout et se prive en retour de la force dont il aurait pu s’enorgueillir en allant du côté de la tragédie.
- ©Jeff Harris
La force du film, aussi modeste soit-elle, n’est pas dans le portrait des personnages souvent taillés à la serpe, ni dans le milieu social décrit, mais dans la focale donnée par les réalisateurs au personnage de Sibel. Elle est de tous les plans, la caméra lui est rivée sur son visage et son corps. La jeune actrice (Damla Sönmez) est effectivement passionnante à regarder, à la fois farouche et sensuelle, froide et tendre, d’une beauté peu commune et pourtant totalement crédible dans cette gardienne un peu sauvage de la forêt. Mais il est dommage que les cinéastes, complètement magnétisés par son aura, en oublient de filmer ce qui l’entoure, la forêt donc, et les autres personnages qui n’arrivent pas à exister en dehors de leur stricte fonction narrative.
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ceciloule 27 mars 2019
Sibel - la critique du film
Je ne suis pas d’accord... Certes Damla Sömnez est incroyable en gardienne de la forêt mais ce film c’est plus que ça. C’est aussi la différence qui permet la liberté, c’est aussi le patriarcat turc qui est remis en question, c’est aussi la découverte d’une autre culture. Certes, certains thèmes auraient pu être davantage fouillés, mais la finesse de réalisation permet de dire que c’est un très bon film (pour en savoir plus : https://pamolico.wordpress.com/2019/03/27/liberte-cherie-sibel-cagla-zencirci-et-guillaume-giovanetti/)