Copyright Editions de Saxus, 2019

Notre avis : A priori, le texte a tout pour agacer par ce qu’il propose : une jeune femme se fait quitter par son mec, investit dans l’amour de son chat, en rêvant du prince charmant à l’ère des rencontres 2.0. Déjà vu, comme aurait dit La Bruyère, qui n’a pas connu Tinder. Alors on éteint la lumière et on se couche ? Non, on se lance, un peu las, dans cette quantième version écrite de Coup de foudre à Nothing Hill, à moins que ce soit Bridget Jones hybridant Cendrillon, avec un soupçon de bovarysme. Donc l’éternel féminin, contre quoi Simone de Beauvoir a jadis lutté. Nanti de ces références, on se dit d’abord qu’Alice et James, quasi trentenaires, plutôt mal dans leur travail et bien dans leurs rêves, sont des ringards un peu surannés, avec vingt ans de retard : ils fréquentent les speed-dating (passés de mode), s’inscrivent sur Meetic (plateforme jurassique), ont un ami ou une amie proche qui, forcément, leur remonte le moral, initie des sorties, en se disant qu’à deux le célibat est moins dur à supporter. Franchement, à l’heure de la post-modernité et des héros houellebecquiens, est-ce bien raisonnable ? Pourtant, un petit miracle se produit.
Des personnages qui font l’apprentissage de leurs sentiments, sans se voir, évoluant tantôt dans le noir d’une soirée sensorielle, tantôt dans un labyrinthe hautement allégorique, tantôt masqués par un pseudonyme sur le net... on y est ! On l’a notre décalque du Jeu de l’amour et du hasard. Rien que ça, oui, sans la qualité d’écriture de Marivaux, certes, mais avec un indéniable soupçon de charme qui tient à une construction très habile, où des situations virent à la catastrophe grotesque, où l’avènement d’une histoire se trouve sans cesse différée par des contingences qui, forcément, requièrent l’attention du lecteur. Alors certes, le récit est traversé par de multiples stéréotypes, certaines situations sont outrancières, il y aurait même de quoi pester contre un certain nombre de clichés. Pourtant, on n’a pas envie, parce qu’Alice et James sont réellement touchants et qu’à la fin le livre justifie sa seule raison d’être : nous divertir.