Le 5 janvier 2002
Quand un auteur rencontre son public…
Les 29 et 30 Novembre ont eu lieu à Rennes les Rencontres Goncourt des Lycéens, rassemblant les candidats et lauréats du prix. Le Goncourt des Lycéens a 14 ans. Chaque année, les élèves des "classes Goncourt", soutenus et guidés par leurs professeurs de lettres, lisent la dizaine de romans en jeu pour élire "leur" Goncourt. L’élection se passe à Rennes, au restaurant "La Chope", le même jour que le Goncourt parisien.
Quelques semaines plus tard, ces rencontres permettent à tous les lycéens qui ont participé de près ou de loin à l’événement, de se réunir et de rencontrer les auteurs.
L’auditorium continue à se remplir malgré la foule qui s’y presse déjà. Le public est bruyant, agité, enthousiaste ; ils sont en 1ère, ils ont 16 ou 17 ans. Sur la scène, à droite, une petite table et deux sièges, qui vont accueillir le modérateur et la lycéenne "lectrice" de la page choisie, à gauche, des tabourets disposés en demi-lune encadrent un unique fauteuil ; par terre, des coussins jonchent le sol.
Nous sommes à Rennes, aux 14e Rencontres Goncourt des lycéens. On attend Shan Sa. La poignée d’élèves qui vont avoir le privilège de l’entourer et de la questionner prennent place autour du fauteuil vide, les autres s’impatientent. Puis elle arrive, du haut de l’amphithéâtre, souriante, rayonnante, perchée sur d’immenses talons, ses cheveux lui battent les reins, et c’est l’explosion, le délire ! La salle entière hurle son nom au milieu des applaudissements, dans une standing ovation à faire pleurer d’émotion. Les lycéens rendent hommage à celle qu’ils ont couronnée, lui renvoyant un peu du bonheur qu’elle a su leur donner.
Shan Sa est née à Pékin, en 1972. Elevée dans une famille cultivée, artiste (sa grand mère l’initie à la peinture et à la calligraphie), elle suit des études brillantes lorsqu’en 1989 éclatent les événements de Tian an men. C’est un bouleversement, un traumatisme, et la jeune fille décide alors de quitter la Chine. Elle a à peine 17 ans. Un an plus tard, elle débarque à Paris, forte de trois mois de cours accélérés de français, qui, elle s’en apercevra rapidement, ne lui seront d’aucun secours. Elle apprendra le français un dictionnaire dans une main, L’étranger de Camus dans l’autre ! Elle s’inscrit au lycée afin de repasser le baccalauréat et fait alors la connaissance de la fille de Balthus. Pendant deux ans, elle sera la secrétaire du peintre et nouera une amitié solide avec toute sa famille. Aujourd’hui, elle partage son temps entre écriture et peinture, qu’elle pratique à l’encre de Chine sur papier de riz, et expose en ce moment dans une galerie parisienne. La joueuse de go est son troisième roman. Dans une langue très épurée et d’une grande précision, elle raconte la double histoire d’une adolescente en crise et d’un soldat japonais épris d’héroïsme. Leurs destins vont se rejoindre autour d’une table de Go, chacun contenu par la rigueur stratégique du jeu. Mais la Chine de 1937 s’élance vers le chaos, et le tumulte de l’histoire va brutalement changer les règles d’un jeu qui échappe désormais à leur contrôle. Shan Sa raconte aussi bien qu’elle écrit, parle d’elle, de son pays qu’elle s’est résignée à ne revoir jamais, des traces que l’histoire a laissées en elle, de son bonheur de lire, d’écrire, et d’être aimée par ces adolescents dont elle se sent encore si proche.
Shan Sa, La joueuse de Go, Grasset, 2001, 343, 19,50 €
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.