Je hais les acteurs !
Le 27 janvier 2004
Le X rouge barre l’écran. Il stigmatisait déjà Romance et revient ici comme un écho, un repère.
- Réalisateur : Catherine Breillat
- Acteurs : Grégoire Colin, Anne Parillaud, Roxane Mesquida
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Rezo Films
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse
- Durée : 1h32mn
- Date de sortie : 5 juin 2002
- Festival : Festival de Cannes 2002
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Résumé : Jeanne réalise un long métrage intitulé "Scènes intimes". Elle doit filmer une scène d’amour entre son acteur et son actrice principale. Jeanne doit gérer leurs sentiments pour les préparer au mieux à cette scène difficile, aidée par son assistant réalisateur qui lui sert de confident. Mais les comédiens ne semblent pas s’entendre et l’acteur rechigne à suivre les instructions de Jeanne.
Critique : Le X rouge barre l’écran. Il stigmatisait déjà Romance et revient ici comme un écho, un repère. Jeanne (Anne Parillaud, magnifique) fait des films. Elle exprime la matière humaine pour en extraire son propre désir. Elle se heurte à ses acteurs, de front, de biais, elle les contourne, les séduit, les insulte, les jette, pour mieux s’en rapprocher, les envelopper, les fasciner. Il est vrai que le tournage dont il est question, puisqu’il s’agit bien d’un film dans le film, est très mal parti. Un acteur à l’orgueil démesuré, et une débutante qu’il méprise, déteste, et provoque, en même temps, sans arrêt.
L’enjeu ? Parvenir jusqu’à la scène d’amour, se mettre à nu. Jeanne se débat entre son idéal d’acteur, celui qui vivrait tout de l’intérieur, qui serait le personnage de façon intuitive, et son besoin viscéral de pousser le comédien au-delà de ses limites, le dépouiller de tout pour qu’il ne soit plus qu’émotion. Son émotion à elle, évidemment. Alors elle oscille entre l’amour et la haine, la fusion et le rejet. Imprévisible, épidermique, elle crie son besoin d’aimer ses comédiens en même temps qu’elle affirme la nécessité de "détester l’acteur, pour qu’il puisse s’abandonner, sans peur de décevoir".
À mesure que se déroule le film, c’est pourtant Jeanne elle-même qui va s’abandonner. S’abandonner à ses incohérences et ses pulsions fusionnelles, se fondre avec ses acteurs, investir désespérément les émotions qu’elle veut leur arracher. À mesure que s’approche l’inéluctable de la scène finale, c’est vers l’actrice (inexistante depuis le début du film) que va se resserrer l’attention, que vont converger tous les doutes, les envies, les émotions. C’est par elle que Jeanne va faire exister cette scène, c’est elle qui va être Jeanne et lui renvoyer comme un miroir l’image de sa propre histoire, pour s’achever dans une étreinte où l’homme n’existe plus.
Catherine Breillat flirte avec la confession, dans cette réflexion sur les liens qui se tissent entre les acteurs et le réalisateur. Mise en perspective d’un tournage qui aurait à voir avec celui de À ma sœur, définition de l’espace du jeu où ce qu’on donne de soi est librement consenti, jusqu’au glissement dans un autre jeu, plus pervers et malsain, où les règles ne sont plus respectées, où le scénario lui même n’existe plus, où les consignes se font mouvantes, au bon vouloir du metteur en scène. Réflexion aussi sur le corps, sa fonction lorsqu’il s’offre sur un écran, vulgaire ou fragile. Une mise à nu bien dérisoire quand finalement il s’agit bien d’exhiber tout autre chose, et les acteurs n’en sont que l’instrument. Le visage défait de Jeanne dit à lui seul cette nudité de l’émotion, cette douleur d’un vécu tant bien que mal mis à distance, qui ressurgit à travers cette grâce qui effleure l’acteur... peut-être lorsqu’il ne joue plus.
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