Bêtes humaines ?
Le 21 juin 2011
Un documentaire atypique doublé d’un regard fascinant sur la vie rurale. Rare.
- Réalisateur : Pierre Creton
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 4 janvier 2006
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– Durée : 1h45mn
– Le site du film
Un documentaire atypique doublé d’un regard fascinant sur la vie rurale. Rare.
L’argument : Le "secteur 545" désigne dans le pays de Caux les limites dans lesquelles Pierre Creton, peseur au contrôle laitier, exerce son activité auprès des éleveurs qui en font la demande. Au fil de ces rendez-vous réguliers, des relations se nouent, et Pierre Creton se risque à poser certaines questions, particulièrement celle-ci : entre l’homme et l’animal, quelle différence ?
Notre avis : Les cinéastes français n’aiment pas leurs campagnes. A part une poignée d’irréductibles dont l’acharnement à traiter de la vie rurale force l’admiration, le milieu est rarement abordé au cinéma. Et quand il l’est, c’est souvent dans une perspective purement opportuniste, afin de mieux fédérer les spectateurs provinciaux. Pas assez branché, pas assez chic et tape-à-l’œil pour une cinématographie d’avantage préoccupée par l’environnement urbain.
Voila pourquoi Secteur 545 surprend. Un documentaire en noir et blanc, réalisé par un peseur de lait. En voila une idée ! Une bonne idée. Pierre Creton, déjà auteur de plusieurs courts métrages [1], se moque du didactisme (qui, souvent, paralyse tout démarche documentaire) pour livrer une sorte de contemplation organisée. Un recueil d’images, d’impressions, de mots qui, en peu de paroles, disent beaucoup du mode de vie paysan. Il s’efface, se fait silencieux (pas de musique, mais des bruits, beaucoup de bruits), et sait trouver les images pour raconter un certain état d’esprit rural. A commencer par le rapport de ces éleveurs à leurs animaux, avec cette question centrale, qu’il leur pose : "Entre l’homme et l’animal, quelle différence ?"
Visiblement, la question n’est pas si évidente que cela à voir les réponses, hésitantes, réduites aux notions d’intelligence, d’habitude, voire de sens de l’esthétique. Ou bien, plus prosaïquement, à un simple "Ça me paraît bien philosophique pour un mardi matin". Si ces entretiens révèlent une certaine vérité, ce sont les à-côtés qui sont passionnants, les bouts de dialogues, les regards. Ces éleveurs qui parlent avec attachement de leurs bêtes, comme d’un bien précieux, faisant office de véritable capital (économique, social et affectif). Ils bichonnent leurs vaches comme d’autres leur auto. Un attachement extrêmement fort, cristallisé par cette image, obsédante, d’un homme étreignant une vache juste avant de l’envoyer à l’abattoir : hommes, animaux, la frontière s’estompe. Et Pierre Creton parvient à capter cet autre monde avec justesse, en évitant le pittoresque, la faconde, préférant s’appuyer sur la répétition des gestes, le rituel du travail (les scènes de traites), une certaine lenteur. Secteur 545 adopte un rythme volontairement lent, répétitif, fait de plans fixes (beaux cadrages, dont la simplicité et l’évidence renvoient au cinéma muet), pour mieux coller aux habitudes paysannes.
Partis pris qui se manifestent également lors de scènes de sculpture, une artiste effectuant un buste de l’employeur du réalisateur. Là aussi, répétition des gestes, lenteur du travail, accomplissement qui culmine le temps d’un mini-vernissage, les éleveurs étant invités pour donner leurs avis. Art et agriculture, les deux mondes coïncident parfaitement le temps de quelques plans. Et Secteur 545 d’imposer la campagne comme lieu d’une culture alternative.
[1] Secteur 545 sera accompagnée en salle par trois courts métrages du réalisateur, totalisant une heure, que nous n’avons pas été en mesure de visionner
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