Le 17 avril 2021
Jean Lambert était l’ami de Pierre Creton. Dans son style unique, le cinéaste lui consacre un court métrage d’autant plus poignant qu’il n’a jamais des allures de tombeau.
- Réalisateur : Pierre Creton
- Genre : Court métrage
- Nationalité : Français
- Durée : 22mn
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Résumé : Pierre Creton a connu son ami Jean Lambert au début des années 90. Il lui rendait régulièrement visite dans sa maison de Vattetot-sur-Mer qu’il a rachetée après son décès, afin d’y habiter. "La Vie après la mort" est le premier des deux films consacrés à cet homme.
Critique : Depuis des années, Pierre Creton évolue en marge des systèmes de production du cinéma et ses films échappent à toute tentative de classification générique qui résorberait son geste artistique en intentionnalités immédiatement repérables. On songe volontiers à ce que le septième art a pu produire sur la campagne, fictions ou documentaires, généralement biaisés par des représentations, où s’esquisse une ligne de partage entre le paysan condamné à son atavisme de classe, celle des laboratores - une vieille affaire médiévale - et le cinéaste penseur, volontiers socratique, qui saurait non seulement accoucher la parole du "damné de la terre" (on pense au documentaire), mais aussi extraire la racine du mal à partir de quelques situations édifiantes (on pense à la fiction). Avec Creton, aucun risque : les frontières n’existent pas, sans doute parce que vivant par son activité professionnelle dans cette ruralité qu’il évoque si justement, le réalisateur n’a ni le désir d’honorer le reportage social, ni la velléité de prolonger son parcours entamé aux Beaux-Arts par la peinture virgilienne d’un monde essentialisé.
La Vie après la mort repose sur une configuration très simple : au départ, il y a un ami paysan et au bout un deuil, sans que le trajet soit linéaire de l’un à l’autre, puisque le film emprunte un chemin vicinal, ne se prenant jamais pour un tombeau, déjouant les temporalités par un agencement subtil de séquences aux identités multiples : tranches de vie qui récusent l’idée qu’on s’en fait et ne feignent pas d’être naturelles, cycle des vagues écumeuses au pied des falaises ou au large, Blanchot lu, Verlaine chanté, simulacre d’une mort qui semble carillonner son heure, répondant au tictac de l’horloge dans la scène inaugurale, trépas anticipé par les paroles de Jean Lambert, le disparu ("Choisir un ami si vieux..."), et tout au bout, le même, astucieusement dédoublé par l’animatrice d’une émission de radio.
Avec son interlocuteur, Creton retient la nuit, qui n’a pas les accents d’une chanson de Johnny Hallyday, plutôt ceux d’un air de java. Deux solitudes se rejoignent, partagent une lecture cacophonique, s’amusent à partir d’une séance de coiffure. A la fin, il n’en reste qu’un. Et ce film, poignant, ludique, inclassable.
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