Roues Libres - la critique du film

Notre avis : Des handicapés moteurs au cœur d’un film de mafieux ? Pourquoi pas ? Breaking Bad, la désormais classique série de Vince Gilligan, mettait bien en scène un homme atteint d’un cancer incurable.
Le pitch de Roues Libres se résume ainsi : deux hommes en fauteuil roulant, Rupaszov et Zolika, s’associent au parrain local, Rados, et deviennent trafiquants de drogue. Une histoire simple a priori, mais qui cache sous son intrigue des théories bien plus complexes.
Rupaszov est un ancien pompier dont le dévouement pour la vie des autres a fini par lui faire perdre l’usage des jambes. Abattu, furieux contre le destin, il se réfugie dans un profond mutisme que même les personnes qui lui sont chères ne parviennent pas à défaire. Zolika, lui, est handicapé de naissance (tout comme l’acteur qui l’interprète, Zoltán Fenyvesi) rêvant de devenir un auteur de bandes-dessinées reconnu, mais à qui l’inspiration manque, emportée par les examens et les traitements médicaux en tout genre.
Entre l’ancien soldat du feu aux allures de vieil ours mal léché et ce petit jeune dont les pieds n’ont jamais foulé le sol, la rencontre est froide, agressive. Mais ils se sont trouvés. Chacun rêve de se libérer de cette satanée chaise à roulettes, de pouvoir (re)nouer avec la station debout. Pourtant, ils savent qu’ils ne pourront se lever. Il faut donc le faire autrement, et quoi de mieux pour cela que de devenir des dealers réputés ?

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Voilà tout l’enjeu du troisième film d’Attila Till – réalisateur dont les films n’avaient, jusqu’alors, jamais été distribués en France. Deux protagonistes, aux allures de héros tragiques, partent à la quête de leur liberté individuelle en s’accomplissant comme trafiquants de drogue. Ainsi le titre de l’œuvre prend-il tout son sens : Roues Libres raconte la liberté au-delà du handicap.
Face à Zolika, Rupaszov revêt les habits d’un vieux sage et lui parle comme un père sévère à son fils trop timide. Car oui, Rupaszov a beaucoup d’affection pour ce garçon, mais, par principe, il ne le lui dit pas. Les ennemis qu’ils se font lors de leurs activités hors la loi, les différentes péripéties jalonnant le récit filmique et la mise en scène rendue nerveuse notamment par de nombreux panoramiques, sont autant d’occasions pour eux de renforcer les liens qui les unissent. Pour Rupaszov, c’est un moyen d’échapper à la morosité de son quotidien, de se donner une bonne raison de vivre encore plutôt que de se blottir dans les bras du cynisme ; pour Zolika, c’est l’occasion inespérée de sortir d’un cadre médical et familial surprotecteur, et d’avoir enfin une bonne histoire à dessiner.

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Spectateurs du monde et de la vie comme L’Étranger de Camus, ces deux-là se rendent, par le crime, à nouveau acteurs de leur existence, jusqu’à trouver un semblant d’équilibre. C’est dans ce semblant d’équilibre que se concentre finalement toute la gravité de la situation des personnages : lorsque la société entière semble vous avoir délaissé, vous regarde avec un masque de pitié ou de compassion artificielle, l’illégalité apparaît comme le seul refuge capable de vous rendre votre dignité. Il suffit de peu, même, pour voir en Roues Libres la métaphore terrifiante de jeunes âmes égarées parties rejoindre les rangs du crime organisé international…